Irène Sadowska Guillon*

Il y a des migrations forcées d’artistes qui fuient leur pays en guerre, des dictatures et des oppressions religieuses, mais aussi des migrations volontaires motivées par la recherche de plus de liberté ou la volonté de se confronter à d’autres cultures, d’autres contextes de travail. Le théâtre dans notre monde globalisé est plus que jamais un assemblage d’éléments hétérogènes, issus de cultures, de traditions, de pratiques différentes. Mises à part les « réclusions » identitaires ou communautaires de certains artistes, l’identité nationale, culturelle ou linguistique d’un créateur ne peut aujourd’hui définir son travail. Quelques démarches transidentitaires, transculturelles d’artistes venus d’ailleurs et travaillant en Espagne : Irina Kouberskaia de Russie, Jaroslaw Bielski de Pologne, Eun Kyun Kiang de Corée, Denis Rafter d’Irlande et d’autre part celle de l’Espagnol Ignacio García travaillant la plupart du temps à l’étranger, sont emblématiques du métissage, du croisement culturel et théâtral.

Antonio Sosa
Antonio Sosa

Quels sont les apports de ces artistes à la pratique scénique dans le pays d’accueil ? En quoi leur travail contribue-t-il à y ouvrir de nouvelles voies à la création théâtrale ?

Kira Oriola
Kira Oriola
De Saint-Pétersbourg à Madrid, le chemin théâtral d’Irina Kouberskaia

Formée à l’École Supérieure de Théâtre Musique et Cinéma de Saint-Pétersbourg, Irina Kouberskaia a commencé sa carrière comme actrice au cinéma et au théâtre en Russie (URSS). Elle arrive en Espagne en 1973 sans connaître la langue.

Irina Kouberskaia. Photo : Pablo A. Mendivil
Irina Kouberskaia. Photo : Pablo A. Mendivil

Elle enseigne d’abord la pantomime, puis rejoint le Théâtre Expérimental de Madrid et le célèbre Laboratoire William Layton, joue dans des films, au théâtre et commence à mettre en scène.

En 2003, elle fonde avec le jeune créateur Hugo Perez de la Pica le Teatro Tribueñe qui s’est affirmé depuis comme un espace de création et de recherche de nouveaux langages scéniques, transcendant les frontières entre les cultures et les arts. La démarche d’Irina Kouberskaia peut se résumer ainsi : faire un théâtre cosmopolite, métaphorique, poétique, au-delà des identifications et des topiques, en rupture avec le réalisme et la littéralité du langage scénique.

Dès le départ, le Teatro Tribueñe s’est inscrit dans les circuits internationaux en participant à des festivals en Albanie, Algérie, Ukraine, Russie où il a développé des collaborations avec des théâtres de Saint-Pétersbourg et de Moscou.

Depuis 12 ans, le Teatro Tribueñe propose des approches inédites des œuvres d’auteurs dont les univers sont très différents comme Lorca, Valle-Inclán, Tchekhov, Pinter, Shepard, Nabokov et d’autres. La programmation du théâtre fonctionne sur le principe de l’alternance de plusieurs pièces. À l’affiche de la saison 2015 / 2016 : Regard d’Éros d’après Nabokov, Naviguant sur des idées occultées d’après des auteurs russes de la fin du XIXe et du début du XXe siècles, Le lien de Valle-Inclán, La maison de Bernarda Alba de Lorca, Retour de Pinter, mises en scène par Irina Kouberskaia et Paseillo, création d’Hugo Perez de la Pica.

La maison de Bernarda Alba
La maison de Bernarda Alba

Ses spectacles témoignent de registres différents de leurs pratiques scéniques, irréductibles à un style ou à une formule qui se nourrissent de multiples références littéraires, musicales, plastique, mythique, multiculturelle.

Irina Kouberskaia a une affinité particulière avec l’univers passionnel de Lorca. Après avoir monté en 2004 Amours de don Perlimplin et de Bélise en son jardin et en 2014 La Maison de Bernarda Alba, elle a créé la même année Noces de sang. Dans ses approches des pièces de Lorca, pas de clichés folkloriques, pas d’idées reçues ni d’images rebattues. Elle confère à ces pièces une dimension métaphorique, poétique, de la tragédie dans le quotidien.

Dans Noces de sang, Irina Kouberskaia puise dans les sources gréco-latines et orientales à la fois pour la conception des images scéniques, des costumes et de la musique, nous faisant pénétrer jusqu’aux tréfonds de la nature humaine agitée par des forces primitives : instincts, pulsions, passions violentes, extrêmes. Elle fait advenir sur scène un monde à la fois ancestral et intemporel. Son spectacle tient d’une liturgie de l’amour passion, de la haine et de la mort. Sur scène, le minimum d’éléments à multiples usages et la musique interprétée en direct.

Kouberskaia n’aborde jamais une œuvre avec un à priori dramaturgique ni esthétique. C’est la pièce qui va générer la lecture et le traitement scénique toujours neufs et surprenants. Par exemple, celle qu’elle propose du Retour de Pinter : sa vision de Ruth, la seule figure de femme dans la pièce, une Ève pour plusieurs Adam, la femme qui devient responsable de l’animalerie dans laquelle elle vit.

Kouberskaia ne s’impose pas de relier son travail à ses origines russes. Si elle a créé La Cerisaie de Tchekhov, c’est pour en proposer une lecture totalement neuve qui va à l’encontre des approches ressassées.

Naviguant sur des idées occultées, montage de textes d’auteurs russes : Dostoïevski, Geresten, Saltykov-Chtchedrine, Vladimov, est une réflexion sur l’ambiguïté des rapports d’attirance et de rejet entre l’Europe et la Russie, toujours d’actualité, mais aussi sur les utopies politiques et sociales du XXe s. qui ressurgissent aujourd’hui sous d’autres formes. Irina Kouberskaia les situe dans la perspective des révolutions et des mouvements sociaux qui durant deux siècles, depuis la Révolution Française, porteurs d’espoir de progrès et de changement social, ont échoué de sorte qu’aujourd’hui le libéralisme est notre dernière religion.

La dernière phrase du spectacle : « les peuples du futur conserveront leurs cultures et effaceront leurs frontières » est sans doute la seule utopie humaniste qui nous reste.

Dans la toute récente création d’Irina Kouberskaia de Regard d’Éros, inspiré du Conte de fée et d’autres récits de Nabokov, on retrouve des références récurrentes dans son travail théâtral à un fond mythique, poétique, littéraire. Le personnage du Regard d’Éros qui se réveille d’un rêve heureux tient à la fois de Faust et du Sigismond caldéronien. Le spectacle est une sorte de rapsodie nabokovienne articulée sur le thème de la nostalgie de l’être humain de lui-même, de son énorme capacité d’aimer. Le protagoniste du spectacle, un homme comprimé par les contraintes, les normes, les interdits et les prescriptions sociales, ne peut voir s’accomplir ses désirs que dans un rêve.

Replika, théâtre laboratoire en mouvement

Jaroslaw Bielski (né en 1957 à Lodz, en Pologne), diplômé de l’Institut d’Art Dramatique de Cracovie en 1983, complète sa formation au Théâtre Laboratoire de Jerzy Grotowski à Wroclaw. Il met en scène et travaille comme acteur au théâtre, au cinéma, à la télévision en Pologne jusqu’en 1985 où, boursier du ministère de la Culture polonais et du ministère des Affaires Étrangères d’Espagne, il vient à Madrid et travaille au Teatro Español et au Centro Dramatico Nacional de Madrid avec les metteurs en scène les plus prestigieux de l’époque, Miguel Narros, Lluis Pasqual et José Carlos Plaza.

Jaroslaw Bielski. Photo : Luis Montalvo
Jaroslaw Bielski. Photo : Luis Montalvo

Formé dans un contexte théâtral polonais marqué par des rénovateurs radicaux de la scène comme S. Witkiewicz (inventeur du théâtre de la forme pure), J. Grotowski, T. Kantor, J. Szajna, J. Jarocki, il prend conscience de l’urgence de réformer la scène espagnole tributaire de la tradition, des conventions et des esthétiques réalistes.

À partir de 1986, il enseigne l’expression corporelle et la pratique scénique à l’Institut du Théâtre et des Arts Scéniques d’Asturies à Gijon. Il crée des formations, fait des ateliers basés sur les nouvelles méthodes et pratiques scéniques à León, à Pampelune, en Castille et La Mancha où les formations d’acteurs étaient pratiquement inexistantes ou se limitaient à l’enseignement traditionnel. Il sera ensuite professeur de mise en scène et d’interprétation à l’École Royale Supérieure d’Art Dramatique de Madrid. L’enseignement, la transmission des nouvelles approches de la scène vont se prolonger dans sa pratique scénique.

En 1989, il fonde avec Socorro Anadón la compagnie Nuevo Teatro qui, en 1996, devient le Teatro Replika avec l’Académie de l’Acteur Replika, installé en 2003 dans un espace permanent avec deux salles modulables. La compagnie a pour objectif de créer et de faire découvrir des auteurs et des œuvres inconnues en Espagne qui traitent de questions éthiques, sociales et politiques, et sont un défi à la scène obligeant à sortir des sentiers battus, du réalisme, du naturalisme dominant la scène espagnole.

Parmi les premiers spectacles : Le Fou et la Nonne (El loco y la monja) de Witkiewicz propose une approche radicalement différente du fait théâtral, avec lequel Jaroslaw Bielski initie une collaboration et des échanges avec le Théâtre Witkacy de Zakopane en Pologne. La création des Bonnes (Las Criadas) de Genet sera une occasion de collaboration avec le célèbre Teatr Stary de Cracovie dirigé aujourd’hui par Jan Klata.

La mise en scène conçue dans un rapport bifrontal rompt totalement avec l’idée conventionnelle de l’espace et du jeu réaliste. Madame, jouée par un homme, n’est pas un être concret, ni femme ni homme, mais un symbole de pouvoir. Ce type d’approche poétique, métaphorique, est au cœur de la démarche de Jaroslaw Bielski, inspirée aussi par la quête du théâtre total de Josef Szajna. En hommage à Szajna, Bielski lui emprunte le titre d’un de ses spectacles, Replika, pour baptiser son théâtre. Son travail s’articule sur la recherche de nouvelles formes théâtrales et de nouveaux rapports entre les acteurs et les spectateurs.

Vol au-dessus d’un nid de coucou de Dale Wasserman
Vol au-dessus d’un nid de coucou de Dale Wasserman

Parmi les textes d’auteurs créés par le Nuevo Teatro Replika : Hacia las sombras verdes (Vers les ombres vertes) de l’auteur danois F. Methling (1989), plusieurs versions de Quartet pour quatre acteurs (Cuarteto para cuatro actores) de Boguslaw Schaeffer, Femme de sable (Mujer de arena) d’après Kobo Habe (1992), Triple portrait (Triple retrato) de H. Kajzar et Bielski (1994), L’autre (El otro) de M. Unamuno (1995), Pasos (Pas) de Beckett (1999), Tango de S. Mrozek (2000), Nuestra cocina (Notre cuisine) de Alonso de Santos, Vol au-dessus d’un nid de coucou de Dale Wasserman (2004), Alicia de D. Perez d’après Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll (2004), En attendant Godot (Esperando a Godot 2005) El cartero siempre llama dos veces (Le facteur sonne toujours deux fois) d’après James M. Cain (2007), De la vie des marionnettes (De la vida de las titeres) de I. Bergman (2008), Nuit blanche (Noche blanca) d’après Dostoïevski et Les Émigrés (Los emigrantes) de Mrozek (2011), un cycle Koltès (2012), La Gaviota (La Mouette) de Tchekhov (2013) et El profe (Le Professeur) de Jean-Pierre Dopagne (2014).

En 2015, Jaroslaw Bielski crée sa version de El jardin de los cerezos (La Cerisaie) de Tchekhov articulée autour de la question : comment la banalité, la médiocrité, s’imposent dans une société incapable d’agir ? Le temps est un principal protagoniste dans sa lecture de la pièce : le passé, l’époque totalement révolue dans laquelle vivent les uns, le présent envahi par le passé de ceux qui tout en vivant sur les ruines construisent du nouveau, cherchent l’argent facile et le présent sans consistance, projeté dans un utopique futur par des idéalistes qui prétendent changer tout mais n’ont ni présence ni idées. Une approche intemporelle et universelle de la pièce qui a des résonances totalement actuelles.

Pour proposer les nouvelles approches de textes et de la scène, il fallait former les acteurs en les initiant aux nouvelles techniques de jeu et à des pratiques scéniques interdisciplinaires. L’Académie de l’Acteur est un des piliers du projet de Replika, conçu comme un lieu de production, de représentation, de formation et de recherche théâtrale. À partir des méthodes et des techniques de jeu de Stanislavski, Grotowski, Mikhaïl Tchekhov, d’Ann Bogart et de Dalcroze, l’enseignement ouvre sur d’autres pratiques de l’art de l’acteur en impliquant dès le départ les élèves dans le travail scénique. La théorie n’est donc que le complément de l’expérience concrète.

Le parcours de trois ans de formation d’interprétation va de l’acteur organique à l’acteur conscient et à l’acteur créatif capable de trouver son propre style interprétatif. Dès le départ, Nuevo Teatro Replika a tissé un réseau de collaborations à Madrid (avec le Teatro Español, le Centro Dramatico National, le Festival d’Automne…), en s’inscrivant dans les circuits de festivals nationaux et internationaux, en allant régulièrement entre autres au Festival d’Almada au Portugal et d’Anvers en Belgique. Replika a été la première compagnie professionnelle espagnole invitée au Festival International d’Istanbul en Turquie, et ses spectacles ont tourné dans plusieurs pays d’Europe et d’Amérique latine.

De nombreux artistes étrangers reconnus dans le domaine du théâtre et de la danse sont invités à donner des cours à l’Académie de l’Acteur et à diriger des ateliers initiant les élèves à des techniques et des esthétiques différentes. L’échange entamé il y a quelques années avec un groupe de théâtre et de musique d’Helsinki, Quo Vadis, dirigé par le dramaturge et metteur en scène Otso Kautto, est devenu un projet tripartite en incluant un partenaire polonais, le Teatr Witkacy de Zakopane.

La dernière création de Teatro Replika, El Casamiento (Le Mariage) de Witold Gombrowicz, est à la fois une découverte de cet auteur presque inconnu en Espagne et une approche totalement neuve et extrêmement actuelle de cette œuvre visionnaire écrite il y a presque 70 ans. Le spectacle, créé en février 2016, est invité pour la saison 2016 / 2017 en Pologne.

L’odyssée théâtrale espagnole d’un Irlandais, Denis Rafter

Venu du pays de Bernard Shaw, Oscar Wilde, James Joyce et Samuel Beckett, Denis Rafter, né à Dublin en 1942, arrive en Espagne en 1966 avec pour bagage théâtral la formation au Abbey Theatre (Théâtre National) à Dublin et au Guildhall à Londres. Il travaille comme représentant en Espagne de Air Lingus d’Irlande et poursuit ses collaborations avec des institutions culturelles irlandaises importantes.

En 1992 il sera commissaire du pavillon de l’Irlande à l’Exposition Universelle de Séville. Il devient rapidement une personnalité de premier plan dans le paysage théâtral en Espagne, travaillant en même temps comme acteur au cinéma et à la télévision. Professeur d’interprétation et de mise en scène il donne des cours, fait des séminaires et des master class dans plusieurs universités espagnoles. Sa thèse de doctorat en théorie, histoire et pratique du théâtre ainsi que ses écrits sur Shakespeare et ses recherches en particulier sur Hamlet, font autorité en la matière.

Hamlet
Hamlet

Ses mises en scène vont des tragédies grecques aux grands classiques espagnols : Cervantès, Lope de Vega, Calderón, F. de Rojas, plusieurs pièces de Shakespeare, aux auteurs modernes et contemporains parmi lesquels les Irlandais G. B. Shaw, O Wilde, Synge, O’Casey, Joyce, Beckett. Adaptateur et auteur dramatique lui-même, Denis Rafter a mis en scène plus d’une vingtaine de ses textes dont : Teresa : la jardinera de la luz, Beloved sinner, Bienvenido a la realidad, Despertando a Esopo, Hay dos, El bar de los ahogados.

Actuellement, il prépare sa mise en scène de Pedro de Burdemalas de Cervantès qu’il va créer au festival d’Almagro dans le lieu historique du Corral de Comedias en juillet 2016 dans le cadre du 400e anniversaire de la mort de Cervantès.

« Le Festival de Théâtre Classique d’Almagro, la ville d’Almagro, avec un des plus anciens Corral de comedias et toute cette mémoire du théâtre du Siècle d’Or ont quelque chose de magique, d’unique. Les gens qui viennent au Festival n’y viennent pas en touristes culturels mais pour vivre le théâtre, rencontrer les acteurs, on est ici comme dans une grande famille d’esprit » dit Denis Rafter.

Dès son enfance, il est nourri de théâtre ; sa mère était une très bonne comédienne, son père dirigeait une compagnie de théâtre au Nord de Dublin. Il assiste et participe à leurs spectacles.

Après ses études au Abbey Theatre à Dublin et au Guildhall à Londres, il part travailler comme représentant de la compagnie Air Lingus à Rome, Stockholm, Milan, puis arrive à Madrid en 1969 sans connaître la langue. Il rejoint d’abord une compagnie qui joue en anglais un répertoire de théâtre populaire britannique qui implique une relation interactive avec le public. Tout en apprenant l’espagnol, il fait partie de cette compagnie au début des années 1970. La famille royale d’Espagne avec ses enfants, dont la gouvernante était une Irlandaise, venait voir parfois leurs spectacles.

Très indépendant, « allergique » aux tendances, à tout type de groupe et de collectif fermé, mais très ouvert à tout, Denis Rafter s’investit sur plusieurs fronts. « L’artiste – dit il – avance dans l’insécurité, en se confrontant à des difficultés, à ce qu’il découvre et doit conquérir. Je me suis rendu compte que j’avais des choses différentes à proposer ici, liées à mes origines culturelles et à la tradition irlandaise du conte, le sens du fantastique, du surnaturel, tout ce qui a à voir avec notre tempérament insulaire ».

Il s’ancre dans l’œuvre de Shakespeare, dans

« l’impact, l’énergie, le pouvoir de sa langue en comprenant que ma différence culturelle est une force supplémentaire ici en Espagne. De plus je me suis rendu compte que ma vision, avec un regard extérieur, des classiques espagnols comme Calderón, Cervantès, Lope de Vega ou des modernes comme Valle-Inclán, Lorca, peut apporter une lecture plus ouverte, plus universelle, moins conventionnelle, de leurs œuvres. Par exemple des femmes dans les œuvres de Calderón sont souvent présentées de façon superficielle alors qu’elles devancent leur époque. Ce sont des femmes assez indépendantes qui luttent pour leurs droits et leur place dans la hiérarchie sociale, n’acceptant pas d’être un sujet soumis à l’homme. »

Sa culture théâtrale irlandaise et britannique est un apport important dans le travail scénique avec les acteurs. Il ne les juge pas.

« Je suis une sorte de jardinier qui sème la graine et qui visualise les capacités et les qualités humaines d’un acteur. Une actrice qui paraît timide peut être une grande Lady Macbeth, une autre qui a un tempérament fort peut faire une Ophélie fragile, très isolée, qui supporte les extravagances et le comportement désobligeant de Hamlet, a peur de toute la famille royale ; son frère, son unique confident est parti et son père se préoccupe seulement de plaire au roi. Quand je travaille avec un acteur je cherche premièrement à le valoriser et deuxièmement à trouver des textes qui le feront avancer dans la compréhension de lui-même et du texte. Pour moi la rationalité d’un personnage, la musicalité d’un texte doivent être “respirées” naturellement par l’acteur et non pas imposées de l’extérieur par la structure du vers et une technique. Je ne crois pas beaucoup aux méthodes ni aux techniques. Les plus grands acteurs ont rarement suivi ce genre d’enseignement. »

Denis Rafter a monté plus de textes contemporains que classiques. Un des critères de ses choix est l’impact émotionnel qu’une pièce peut avoir sur le public et qui l’oblige à faire un travail d’imagination. Dans sa trajectoire, beaucoup d’auteurs irlandais.

« Plusieurs sont peu connus ou même inconnus en Espagne. Je pense que les auteurs de théâtre irlandais ont beaucoup en commun avec le théâtre espagnol, celui de Lorca, Valle-Inclán, Cervantès. Leurs personnages sont réels, vivants, ont une profondeur et en même temps un côté bouffon, fou. »

Ses approches scéniques des œuvres tendent vers une économie presque minimaliste où les acteurs, les rapports entre eux, créent l’espace. Ainsi par exemple, dans La Nuit des rois, la cage de scène est vide, sans aucun élément, on y joue sur les trois plans de la profondeur du plateau. Le mouvement de l’acteur crée une dynamique, capte l’attention du spectateur et stimule son imagination. La mise en scène de La Décision de John de Mike Bartlett est un des exemples de cette approche minimaliste des œuvres, totalement dépouillée, dans un espace vide, sans aucun objet, où les acteurs seuls, avec leur jeu, créent les situations, les lieux, provoquent les émotions.

Le propos de Denis Rafter est d’aller toujours au-delà de l’anecdote. Dans sa lecture de La Décision de John, une pièce sur le monde des gays, il relève la problématique de la liberté de l’amour, de l’indépendance, de la domination des uns par les autres. En abordant certaines pièces dans des lieux particuliers il leur confère une dimension à la fois très concrète et emblématique.

Esperando a Godot
Esperando a Godot

Ainsi par exemple sa mise en scène d’En attendant Godot de Beckett dans un centre pénitentiaire, interprétée par les prisonniers. « C’était un double défi – dit-il – parce qu’ils n’avaient pas d’expérience du théâtre mais ils apportaient à la lecture de la pièce leur expérience de la solitude, du dépouillement de tout, de l’attente, en essayant jour après jour de donner un sens à leur vie. »

Parmi ses mises en scène, il a monté des monologues à partir des écrits d’Oscar Wilde dans lesquels, pour lui, plus que dans ses comédies, il y a une profondeur dans la réflexion sur le sens de la vie, sur l’être humain, sur la liberté.

La pièce de Cervantès Pedro de Burdemalas qu’il prépare pour le Festival de Théâtre Classique d’Almagro est très atypique dans le théâtre du Siècle d’Or. Cervantès dans cette pièce est précurseur du théâtre moderne en recourant à des procédés qu’on retrouve chez Brecht, Beckett et dans le théâtre de l’absurde. C’est un théâtre épique où le récit et les dialogues se mêlent et qui met en scène toute la société de l’époque et surtout le peuple et les gitans. Une œuvre très peu jouée, qui est un défi pour le metteur en scène.

Un théâtre métissé au parfum oriental

La Coréenne Eun Kyung Kang vit et fait du théâtre depuis 12 ans à Malaga en Espagne. Diplômée en littérature et en art dramatique de l’Université de Séoul, elle a d’abord travaillé en Corée. En arrivant en Espagne en 2004, elle complète sa formation théâtrale dans la spécialité de mise en scène à l’École Supérieure d’Art Dramatique de Malaga. Elle est aujourd’hui professeur de littérature orientale à l’Université de Malaga.

Dramaturge, actrice et metteur en scène, elle fonde à Malaga en 2006 avec des acteurs espagnols sa compagnie Teatro Nu, ce qui en coréen signifie « rien », au sens d’un théâtre sans identité, impossible à identifier, sans lieu précis, éphémère, un théâtre à inventer.

« Rien marque le point de départ pour notre voyage, dit Eun Kyung Kang. Le vide est le point optimum pour dépouiller nos esprits des artifices, des idées, des sentiments, des images, des mouvements, la voix pour trouver le chemin direct vers le cœur, comme lieu de rencontre de tous les êtres humains. »

Parmi ses pièces, dont plusieurs ont été créées avec sa compagnie, L’Histoire de Dunge Dunge (1993), Espejismo (1999), Como comer bien un menu completo, Happy Birthday two (1999), Wonderful Sushi (2001), Hit and run (2001) En la tienda de pollos asados (2005), Sopa de mujer (2006), Al otro lado de los recuerdos (2010), Princesa Bari (2010), Mu Korea (2011), Cuando el verde se trago un sueño (2015).

Elle a adapté également Roméo et Juliette et Othello de Shakespeare, Barro de Maria Irene Formes et a créé avec sa compagnie des pièces d’auteurs espagnols : Asi que pasan cinco años de Garcia Lorca et El suicidio del Angel de Aurora Mateos. Sa toute récente création est une version sans paroles de La Mouette de Tchekhov.

Le langage scénique que Eun Kyung Kang a élaboré avec sa compagnie est un métissage d’éléments traditionnels du théâtre oriental, coréen, avec des techniques occidentales. C’est un langage pluriel, très physique, mêlant paroles, expression gestuelle, images : situations très plastiques comme des tableaux vivants, musique, chant, danse, recourant aux techniques de clown, à diverses formes du comique, du grotesque dans le jeu interactif avec le public. Un théâtre populaire très typique de Corée, mais aussi d’Espagne.

« Le métissage – explique Eun Kyung Kang – est caractéristique du théâtre contemporain en Corée, marqué depuis les années 1970 par des influences du théâtre occidental. Au départ on copiait jusqu’aux détails – tels les perruques – des mises en scène européennes des classiques, puis s’est réinventé, sans perdre le lien avec la tradition, le théâtre coréen moderne avec ses propres approches des grands classiques occidentaux.

Mon adaptation de Roméo et Juliette de Shakespeare par exemple est reliée aux traditions du théâtre coréen. Le théâtre moderne conserve souvent la conception de l’espace scénique traditionnel carré, quasi sans éléments, avec les instruments et les musiciens sur scène. Par ailleurs il y a en Corée un grand intérêt pour l’Espagne. Beaucoup de textes de théâtre espagnol aussi bien classiques que modernes (Lorca) et des auteurs d’aujourd’hui ont été adaptés en coréen. Par tempérament, la façon d’être dans la vie quotidienne, l’ouverture aux autres, le partage, les Coréens ont beaucoup en commun avec les Espagnols y compris l’expérience de la Guerre Civile. Comme en Espagne, en Corée les femmes ont une place importante dans la société aujourd’hui. C’est peut-être l’influence du confucianisme mais c’est dû surtout aux transformations profondes de la société coréenne durant les dernières décennies ».

Dans ses créations, Eun Kyung Kang recourt très souvent à la matière mythique et légendaire coréenne et universelle. Princesse Bari est l’histoire de la septième et dernière fille d’un roi qui n’a pas d’héritier mâle. La princesse a été abandonnée à la naissance par ses parents à cause de son sexe. On suit dans la pièce son voyage dans l’autre monde à la recherche de l’élixir de la vie grâce auquel elle renaît. Après avoir accompli avec succès sa mission elle se transforme en une déesse puissante qui accompagne les esprits des humains dans leur voyage depuis le monde terrestre jusqu’au paradis de l’au-delà. Dans la pensée ancienne coréenne, il n’y a pas de frontière entre la vie et la mort, les morts et les vivants se rencontrent et se parlent. La pièce exalte des valeurs comme le pardon, la compassion, l’amour gratuit.

Kkoktugaksi Nori s’inspire d’une pièce coréenne traditionnelle de marionnettes représentée depuis le VIIe s. Une série de personnages peuplent les épisodes de la vie de Parkchomji, le vieil avare fou. Le conflit d’intérêts entre l’épouse et son amant travesti, l’enterrement du maire de Pyeongyang, la lutte avec Ishimi, un serpent géant qui dévore tous les membres de sa famille, sont quelques-uns des épisodes de cette comédie absurde et grotesque. La proposition scénique très visuelle et dynamique combine la danse, le clown, l’acrobatie, le chant, la musique en direct, le jeu interactif avec le public. La caractérisation caricaturale, très colorée, le jeu des masques qui copient les marionnettes originales, les costumes traditionnels coréens, la musique du samulnori avec éléments de flamenco, composent ce spectacle ludique, festif.

Dans Asi que pasen… d’après Federico Garcia Lorca, Eun Kyung Kang confère à la pièce du poète andalou les traits de la culture orientale en en proposant une version scénique à la fois très visuelle, corporelle et onirique où le protagoniste, un jeune homme emprisonné dans son monde intérieur, est incapable de distinguer le rêve de la réalité, ni de savoir qui il est réellement.

Le Suicide de l’ange est une réflexion sur le temps, la mort, l’amour et les maladies de notre temps à travers l’expérience de deux adolescents, Aïcha et Ilam, appartenant à deux cultures différentes. Le spectacle représente dans le travail du Teatro Mu le défi de fondre le réalisme du texte avec le langage corporel et les images symboliques.

Dans sa version libre de La Mouette Eun Kyung Kang propose une vision très originale de la pièce de Tchekhov en extériorisant et en rendant visible la douleur intérieure des personnages à travers les formes et les symboliques coréennes. Son adaptation a pour protagonistes : un chaman, Zorine, Trigorine, Macha, Nina, Arcadina, Constantin, joués par quatre acteurs. Le spectacle sans paroles est une sorte de rituel chamanique transcendant la frontière entre la vie et la mort, dans lequel l’esprit de Nina morte revisite son histoire.

La trajectoire nomade de Ignacio García, metteur en scène de théâtre et d’opéra

Né en 1977 à Madrid, Ignacio García, formé à l’École Royale Supérieure d’Art Dramatique de Madrid, a débuté au théâtre comme metteur en scène en 1996, en montant les œuvres des grands classiques espagnols et étrangers ainsi que de nombreux auteurs contemporains comme Max Aub, Enrique Javier Poncela, José Bergamin, Jose Luis Alonso dos Santo, Ernesto Caballero, et pour les auteurs étrangers Machiavel, Shakespeare, Kataiev, Oscar Wilde, Dario Fo et d’autres.

Ignacio Garcia. Photo : Javier Naval
Ignacio Garcia. Photo : Javier Naval

Dans le champ du théâtre lyrique, il a monté plus de 30 opéras du répertoire depuis Monteverdi, Verdi, Puccini, Donizetti, Rossini et Massenet jusqu’à Stravinski, a fait cinq créations mondiales d’opéras dont Orfeo de Jesus Rueda et Un parque de Luis de Pablo et a mis en scène plusieurs œuvres du répertoire de la zarzuela.

La sangre de Antígona (Una mirada al mundo) de José Bergamín
La sangre de Antígona (Una mirada al mundo) de José Bergamín

Ses récentes mises en scène en Espagne sont : Antigona negra de José Bergamin au Centre Dramatique National, La Cisma de Inglaterra d’après Calderón avec la Compagnie Nationale de Théâtre Classique et De algun tiempo a esta parte de Max Aub au Teatro Espagnol de Madrid. À l’étranger, en mars 2016, il a dirigé un séminaire sur Le Siège de Numance de Cervantès au Théâtre National de Mexico. Parmi ses projets : une création d’une zarzuela à l’Opéra de Wroclaw en Pologne.

De algun tiempo a esta parte de Max Aub
De algun tiempo a esta parte de Max Aub
De algun tiempo a esta parte de Max Aub
De algun tiempo a esta parte de Max Aub

La trajectoire nomade d’Ignacio García est un choix délibéré. Il travaille la plupart du temps hors d’Espagne, non pas par manque de propositions (il y fait en moyenne trois créations par saison), mais parce que pour lui le théâtre est une façon par excellence de connaître le monde et de s’impliquer dans sa réalité politique, sociale et culturelle. Partageant son travail entre l’opéra et le théâtre, à 38 ans, Ignacio García a arpenté de nombreuses scènes de l’Europe jusqu’à ses confins orientaux, de l’Amérique du Nord et du Sud en se confrontant à la réalité du travail dans des systèmes politiques et culturels différents. Sa vaste expérience du travail à l’étranger constitue en même temps un apport important à la pratique scénique de son pays.

En travaillant régulièrement dans plusieurs pays de l’Est de l’Europe, jusqu’à la Russie, il relève dans le fonctionnement des grandes institutions théâtrales et lyriques plusieurs aspects positifs de l’héritage du système culturel étatique de l’époque communiste, comme par exemple l’existence dans des grands théâtres et opéras d’une troupe permanente, d’un répertoire et d’une alternance avec plusieurs spectacles différents à l’affiche chaque semaine.

« Ces théâtres – dit-il –, pour la plupart d’un grand niveau artistique, sont de véritables fabriques très syndicalisées. Chaque branche professionnelle : le chœur, le ballet, les musiciens, les solistes, les figurants, les techniciens, a son syndicat spécifique. De sorte qu’avant de commencer à répéter, je dois me réunir avec les représentants des syndicats de toutes ces équipes pour négocier avec eux les conditions de travail. Ils sont tous très exigeants mais aussi ils ont un sens quasi ascétique du travail collectif. Le système de la troupe permanente, du répertoire, de l’alternance, que ce soit au théâtre ou à l’opéra, permet aux acteurs, aux chanteurs et aux danseurs d’accumuler de l’expérience ; beaucoup interprètent une trentaine de rôles chaque année. Ce mécanisme si bien rodé fonctionne parfaitement. Ces fabriques totalement autonomes n’ont pas besoin de faire appel aux entreprises extérieures ; les décors, les costumes, tout est réalisé dans leurs propres ateliers. »

Grâce à ce système, ces institutions sont beaucoup plus solides, résistent mieux aux crises économiques et aux coupures budgétaires.

« Si on ne peut pas faire de créations, on peut présenter les œuvres du répertoire et pouvoir ainsi garder le théâtre ouvert, dit-il.  En même temps l’alternance a ses contraintes. Par exemple les chanteurs, le ballet, le chœur de mon spectacle jouent le lendemain dans un autre et en répètent souvent un nouveau le matin. Pour moi – ajoute-t-il – travailler dans les grands opéras et théâtres de Pologne, de Russie, de Bulgarie, etc. était un apprentissage extrêmement précieux. Les chanteurs, les acteurs, dans beaucoup de ces pays, sont non seulement de grands artistes mais aussi ont un grand respect du travail. »

Pour nuancer cette vision très positive, il faut préciser qu’en Espagne le secteur public est très réduit et que dans les théâtres publics, disposant de peu de moyens financiers, il n’existe pas de troupes permanentes, ni répertoire, ni alternance.

Dans le monde anglo-saxon, en Angleterre et aux États-Unis, Ignacio García a été frappé par la conscience qu’ont les équipes artistiques que la création n’est pas indépendante du public dont on doit tenir compte en concevant un projet. À quel public s’adresse-t-on ? Qui est-il ? De quelle façon va-t-on créer un lien avec lui ?

« C’est très intéressant de voir les relations qui se créent entre les équipes artistiques et les divers publics, y compris les jeunes des écoles, à travers des séries de débats, des rencontres, avant et après les créations. J’apprécie énormément cette responsabilité devant le public et le sens du devoir du travail à faire sans tenir compte des horaires. C’est une façon de travailler certes plus capitaliste mais plus productive et plus efficace. »

La façon de travailler dans le monde latin est en revanche plus relaxe, moins disciplinée. Autant dans le Sud de l’Europe (Grèce, Italie) qu’en Amérique latine (Colombie, Mexique, Argentine) :

« les acteurs, les chanteurs abordent leur travail avec énormément de passion, sont perfectionnistes. Ils se préoccupent peu des formes, cassent les codes pour arriver à une expression plus forte, plus parfaite. En revanche ils sont assez indisciplinés, chaotiques, ne respectent pas les horaires, arrivent parfois aux répétitions sans savoir le texte. Tout se passe de façon improvisée. C’est une marque commune de beaucoup de pays d’Amérique latine qui sont des démocraties nouvelles et qui n’ont pas d’institutions centenaires, donc ils sont beaucoup plus ouverts, plus libres, osent des choses neuves, risquées, c’est très fascinant pour moi. »

Travailler dans ces trois zones géographiques différentes du monde et passer de l’opéra au théâtre oblige à changer constamment la façon de penser, à s’adapter aux situations et aux conditions de travail différentes. « Si l’on va travailler en Grèce avec une mentalité allemande ce sera une catastrophe, dit-il. Il faut d’abord comprendre comment fonctionnent les gens pour arriver à les mobiliser et à leur imposer une certaine discipline. »

Dans sa trajectoire hors d’Espagne, Ignacio García a développé des liens privilégiés avec le Mexique. Historiquement, surtout dans l’histoire récente, les liens entre l’Espagne et le Mexique ont été particulièrement forts, plus qu’avec d’autres pays d’Amérique latine. Le Mexique était un pays d’accueil par excellence pour les exilés républicains de la Guerre Civile d’Espagne. Ils y ont créé un Gouvernement Républicain en exil. Beaucoup d’artistes, écrivains, gens de théâtre, peintres, cinéastes ont fui le franquisme au Mexique. Grâce à cet accueil, non seulement une part importante de la culture espagnole a été préservée mais encore les artistes exilés ont pu poursuivre leur travail en constituant en même temps une opposition contre la dictature.

Depuis plus de 15 ans, Ignacio García travaille régulièrement au Mexique dans plusieurs théâtres publics, mais aussi quelques théâtres privés qui n’ont pas de profil purement commercial. Ce qui lui donne une vision assez vaste et panoramique de la vie théâtrale, depuis les théâtres institutionnels jusqu’aux salles alternatives en passant par les théâtres privés.

« La vie théâtrale, très concentrée dans la capitale, est extrêmement intense, il y a un enthousiasme, une volonté de rénover l’écriture dramatique, les pratiques scéniques, et avant tout de développer des collaborations et de créer des ponts culturels entre le Mexique et d’autres pays. »

Ainsi par exemple le festival biennal Dramafest, fondé il y a 12 ans, dont Ignacio García, est directeur artistique depuis 2012, dédie chacune de ses éditions à la dramaturgie et à la création actuelle d’un pays. Après l’Allemagne, l’Australie, l’Espagne, la Finlande, les États-Unis, le Chili, l’Argentine, en 2016 la France est le pays invité avec des créations, des pièces, des auteurs d’aujourd’hui, des ateliers, des lectures, des rencontres avec eux et des professionnels du théâtre français.

L’accent est mis sur la découverte des dramaturgies étrangères et sur la formation de jeunes professionnels mexicains dans cette confrontation avec les scènes d’autres pays.

« Je suis très engagé dans des collaborations et des échanges entre les institutions et les théâtres mexicains et espagnols. Parmi les programmes mis en place, un laboratoire sur la thématique de la frontière coproduit par le Centre Dramatique National d’Espagne et l’Institut National des Arts Scéniques au Mexique. Certains de ces projets s’étendent sur d’autres pays comme l’Angleterre, la France, la Finlande. »

Toujours sur les routes, après avoir travaillé au Mexique sur Le Siège de Numance de Cervantès, Ignacio García poursuit sa vie nomade en entamant cette fois un projet en Inde avant de retrouver l’Europe.


Irene Sadowska Guillon

*Irène Sadowska-Guillon : Formation universitaire littéraire et théâtrale : niveau Maîtrise et Doctorat d’État. Auteur de nombreux essais sur le théâtre et critique dramatique, dans plusieurs revues spécialisées de théâtre et des arts du spectacle en France et à l’étranger. Spécialisée en théâtre contemporain, en particulier hispanique. Organisatrice et coordinatrice d’événements théâtraux. Membre fondateur du réseau français de l’Institut International du Théâtre de la Méditerranée, fondatrice, présidente des Échanges Franco Hispaniques des Dramaturgies Contemporaines « Hispanité Explorations ». Trésorière d’honneur de l’Association internationale des critiques de théâtre (AICT) et du Syndicat Professionnel de la Critique de Théâtre en France. Membre de la Asociacion de Directores de Escena d’Espagne. Membre du conseil de rédaction de la revue ADE teatro et de Red Escenica.

Copyright © 2016 Irène Sadowska-Guillon
Critical Stages/Scènes critiques e-ISSN: 2409-7411

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Migrations théâtrales Les apports des créateurs de théâtre étrangers vers et hors d’Espagne