À Brno, le théâtre et ses alentours / In Brno, Theatre and its Surroundings

Caroline Châtelet

Le « Theatre World Brno » (TWB) à Brno, Republique Tchèque. Du 17 au 28 mai 2024. The “Theatre World Brno” (TWB), Czech Republic. May 17-28, 2024.

À l’occasion de la quinzième édition du festival « Theatre World Brno », l’AICT a organisé – outre son Congrès mondial et son Assemblée générale – un stage pour jeunes critiques. Réunissant une quinzaine de participant.es réparti.es dans un groupe anglophone et un francophone, ce stage leur a permis d’échanger et d’écrire. Certain.es nous livrent ici une critique sur un spectacle de leur choix.

Figurant parmi les plus importantes manifestations théâtrales de la République Tchèque, TWB réunit « une combinaison unique des scènes théâtrales de Brno », deuxième ville du pays. Avec un peu plus de soixante-dix levers de rideau, le festival ne se concentre pas que sur le théâtre : spectacles de danse, de marionnettes, de théâtre d’objets, performances et propositions jeune public venu.es de Tchèque et d’ailleurs sont également au programme. Cette diversité, si elle correspond à une volonté de l’équipe dramaturgique œuvrant à la programmation, peut aussi interloquer par l’absence d’une ligne artistique claire. C’est, lors de leurs échanges conclusifs, ce qu’ont notamment relevé les participant.es au séminaire qui s’est déroulé du 21 au 24 mai. Mené en langue anglaise par le critique thaïlandais Pawit Mahasarinand et en langue française par la critique française Caroline Châtelet, le stage a réuni cinq participant.es dans le groupe francophone (venu.es de France, de Pologne et du Québec), douze dans l’anglophone (venu.es, entre autres, de Bulgarie, Finlande, Grèce, Serbie, Georgie, etc.).

De visites en rencontres avec des membres de l’équipe du festival ; de spectacles en discussions informelles ; les stagiaires ont arpenté la ville d’un lieu de représentation à l’autre, confrontant leurs points de vue et affinant leurs regards lors de sessions de travail et d’écriture. Aux mêmes dates, le festival a également accueilli l’AICT qui y tenait son Congrès mondial et son Assemblée générale 2024. 2024 étant le centenaire de la mort de Franz Kafka, le colloque du congrès a porté sur « “La vérité” dans le monde kafkaesque (du théâtre) : Tragique ou comique ? » Constituant de possibles sollicitations supplémentaires pour les participant.es au stage, ces rendez-vous amènent à s’interroger sur l’articulation de ces derniers. Outre que l’ensemble de ces propositions s’avèrent stimulantes pour les stagiaires, la possibilité pour ces jeunes critiques de pouvoir rencontrer et échanger avec leurs pairs venus du monde entier est importante à préserver. Néanmoins, tous les rendez-vous annexes –dont ceux proposés par le festival – entament, au passage, la part dévolue aux temps de travail en groupe qui demeurent la colonne vertébrale de ces stages. Si le parallèle est assez évident entre ce temps concentré, traversé de multiples propositionsautour des spectacles, et les vies actuelles des critiques, on ne peut faire l’économie d’une réflexion sur comment – dans les stages pour jeunes critiques comme dans notre quotidien professionnel – parvenir à préserver du temps. Temps pour penser, réfléchir, écrire … Voici ci-dessous le fruit de leur travail.

Critique et dramatique, Caroline Châtelet travaille – régulièrement ou ponctuellement  pour les revues Frictions, Jeu, Les Lettres françaises ; les magazines Novo, Théâtre(s) ; les sites Internet AOC, Sceneweb, L’Esprit critique de Mediapart. Côté cinéma, elle écrit (pour le CNC) ; programme (pour Tënk et le festival des États généraux du film documentaire).

Œdipus Complete mis en scène par Zuzana Burianová, Ivo Kristián Kubák et Václav Kuneš. Photo : Tygr v tísni
Œdipus Complete, kitsch ou double

Mathis Grosos (France)

Quoi de plus camp que la mythologie grecque ? Tout dans ces tragédies d’une impossible démesure peut être détourné à loisir – ainsi que le fait le camp, pratique et esthétique liée à la culture gay –, si bien que le solennel prend des airs risibles. C’est là la question qui anime cette trilogie autour d’Œdipe, quelque part entre le soap opéra, le théâtre immersif et la danse. La pièce s’empare d’un jardin, celui de la Villa Löw-Beer au cœur de Brno, comme un clin d’œil à cette tradition de la représentation antique en plein air. Il faut dire que de l’air, la compagnie n’en manque pas. Il y a pourtant quelque chose de juste dans ce spectacle qui flirte avec le mauvais goût. Le Roi Laïus qui offre son nom à la première partie, écrite par Hana Lehečková et mise en scène par Zuzana Burianová, fulmine au volant-moumoute d’un tracteur-tondeuse pendant que Jocaste lui raconte des salades (grecques). Affublé d’une casquette-visière qui lui sert de couronne, le souverain porte le drapeau grec des pieds à la tête comme un goodie bon marché.

Confiné dans le jardin de sa villa, le couple cumule les commandes en ligne, à défaut de pouvoir affronter le Sphinx dont le cri résonne au loin. Bien vite, l’intrigue se détourne de cette comédie domestique aux accents vaudevillesques et affirme avec le texte de Sophocle un virage plus politique. Dans cette agora dont on teste massivement les citoyens du fait de cette épidémie de peste qui prend des airs de COVID, le conflit se fait plus verbeux. Mais Ivo Kristián Kubák qui met en scène ce second pan d’Œdipus Complete cultive aussi ce goût pour le décalage, du gel hydroalcoolique en guise d’eau bénite au t-shirt « Stay real » du héros (amour de l’authenticité ou du pouvoir, selon la traduction). Il en va de même pour cette partition qui sublime aussi bien les montées en tension que les karaokés impromptus ponctués des cris d’un Tirésias en pleine descente. Œdipe qui a quitté ses parents pour éviter le parricide annoncé par l’oracle (une application quelque part entre intelligence artificielle et domotique) laisse éclater sa colère dans de longs tours de tracteur-tondeuse.

Mais partout, du balcon de la villa au cabanon de la cour, la fatalité menace ce souverain colérique. Et c’est sans doute ici le tour de force de cette mise en scène so-(lou)phocle : faire du kitsch une porte d’entrée vers des drames invraisemblables pour y apporter une cohérence esthétique. Avec ce parti-pris où le trop devient la norme, les revers de la fortune s’avèrent plausibles. Tant et si bien que la dernière partie dansée dans les abysses de Marie Nováková et Václav Kuneš révèle la profondeur insoupçonnée de cette trilogie. Œdipe, à jamais aveuglé, n’y inspire plus le rire. Et c’est sans doute là le plus grand bouleversement de cette intrigue. Dans cette aventure qui tutoie gaiement le ridicule, on ménage un espace pour d’heureux accidents. Un tracteur-tondeuse en panne, un décor qui chavire… C’est le réel qui se plie à cette fiction capricieuse. Avec une telle proposition, la mesure peut bien aller se faire voir chez les Grecs.

Mathis Grosos : Journaliste croisant culture et société, Mathis Grosos est passé par France Inter, Binge Audio ou Madmoizelle où il a été responsable des podcasts. Aujourd’hui, il collabore avec plusieurs médias (MilK Magazine, Télérama, L’Œil d’Olivier) et développe avec Dramathis une réflexion sur le spectacle vivant en podcast et sur les réseaux sociaux.


Is This the Fate of Oedipus?

Andriana-Anna Tsiotsiou (Greece)

Seeing theatre performances in other countries is always challenging, since one has to face the culture and language barriers, but need not be less of an interesting experience. 2024 was the first time I had the pleasure to attend Theatre World Brno Festival, in the Czech Republic.

Iokaste (Rosalie Malinská) and Hermes (Denis Šafařík) in Laios. Photo: Michal Hančovský

The night was dedicated to a site-specific trilogy, under the promising title Oedipus Complete in the blossoming garden of Villa Löw-Beer Gallery. Each part, seen as a separate performance, encompassed a play written by a different author and staged by a different director, who focused on using the same aesthetics to their pieces, with kitsch being the main one. The playwrights Hana Lehečková (Laios), Petr Borkovec and Matyáš Havrda (King Oedipus), Marie Nováková and Václav Kuneš (The Abyss) with the directors Zuzana Burianová, Ivo Kristián-Kubák and the set designer Jana Hauskrechtová offered us a meta-reading of the ancient tragedy.

A contemporary approach with everyday problems between Laius and Iocaste, through a very confusing adaptation, and not a translation as it called itself, with characters missing from the original play but present in other tragedies by Sophocles (for example Apollo) who were, for no reason, greeting in Greek, led to a “dance libretto”, while we stood in the chill of the night, since we had to change sides, where Antigone looked more like a Fury whom the king was trying to escape than his beloved daughter who wants to approach him.

Oedipus (Václav Kuneš, also the choreographer) and Antigone (Rosalie Malinská) in Abyss. Photo: Michal Hančovský

Admittedly, there were techniques like Deus ex machina and the very interesting contemporary approach of choral parts with electronic music and voices coming from loudhailers, which were used successfully, together with direct references to current issues such as the more or less recent pandemic of COVID-19. The costumes were also influenced by the pop aesthetics, while queer aesthetics were used in the portrayal of Hermes and Tiresias.

Despite the new attitude towards creation that one wishes for from young creators, the performance ended up as a tedious cheap satire, an attempt to explore the mores of Greece from the 1980s to the present day, a subject that seems to be of little interest to the audience of an international theatre festival. The actors/actresses Denis Šafařík Hanuš Bor, Mikuláš Čížek, Jonathan Glazer, Michal Kern, Gabriela Mikulková, Matěj Nechvátal, Peter Varga and Miroslav Zavičár performed decently, making the direction line clear.

Andriana-Anna Tsiotsiou is a dramaturg from Thessaloniki, Greece. She is a member of Greek Association of Theatre and Performing Arts Critics and a PhD Candidate at the Theatre Department of the Aristotle University of Thessaloniki. Her interests include history and theory of contemporary theatre, new adaptations and the use of technology in performances.


The Ratcatcher mis en scène par Patrick Sims. Photo : Divadlo Rost
The Ratcatcher, ou le théâtre fait comme un rat

Callysta Croizer (France)

« Une opération de dératisation vire au kidnapping d’une centaine d’enfants » : il ne s’agit pas d’un fait divers contemporain, mais de l’histoire de The Ratcatcher [L’attrapeur de rats], variation marionnettique sur Le joueur de flûte de Hamelin. Pour revisiter ce conte allemand du XIIIe siècle, le metteur en scène Patrick Sims – directeur artistique de la compagnie française Les Antiaclastes – fait tenir tout le village dans une maison de poupée en bois coupée à la verticale. À l’intérieur de ce castelet à hauteur d’hommes, les rats (en peluche) se faufilent en cachette dans les cuisines miniatures et la plomberie, mus par de petites mains opérant dans l’ombre. Prenant l’art de la manipulation dans tous ses états, la pièce explore zones de troubles et mises en abyme, du littéral au méta-théâtral. La légende germanique veut que le village soit sauvé par les charmes d’un flûtiste, qui conduit les indésirables tout droit à la noyade.

Mais, sa tâche accomplie, face à l’ingratitude du maire et des habitants, le musicien subjugue les enfants du coin, qui disparaissent à jamais. Alors qui dans cette histoire est le nuisible à exterminer ? Et qui a la situation en main ? Car devant leur terrain de jeux, les marionnettistes manipulent aussi un personnage du conte, en version mi-anthropo, mi-zoomorphe. L’une, villageoise en costume bavarois à tête de souris, veille sur ses rongeurs comme sur ses baigneurs, tandis qu’un homme-blatte, vêtu d’une veste en patchwork de cravates bariolées fait la chasse aux puces. Le maire (faux sosie de Saint Pierre avec son aube monacale et sa clé en main) tend des oreilles de félin pour magouiller avec le joueur de flûte, lui masqué tel un Mickey Mouse horrifique. Si l’articulation entre pantomime et musicalité a tout du conte didactique, les personnages subvertissent les perspectives classiques du récit à morale. Ainsi les rats industrieux déjouent habilement chaque piège d’extermination (poison, tapettes, chasse d’eau et même un gros matou) et les adultes sont moins ingrats et corrompus que victimes d’un pouvoir autoritaire.

Alors qu’elle tient un subtil équilibre entre comique farcesque et satire politico-sociale, la pièce bascule dans une troisième dimension science-fictionnelle post-humaniste. Dépliant ses deux pans, le décor se transforme en laboratoire d’expérimentations génétiques où les rats sont formatés au calcul mental, sous le regard machiavélique d’un gruyère cyclope aux airs de gourou Illuminati. Outre la blague complotiste, ce deus ex machina coupe maladroitement son fromage. Avec cette pirouette aussi absurde qu’abrupte sur la question de la mise à mort, la pièce semble à court d’idée pour transcender ses trouvailles métaphoriques par une réflexion métaphysique aboutie. Dommage pour cet ultime retournement qui glisse du brouillage de pistes au brouillon hors-piste, et se perd en chemin.

Callysta Croizer : Ancienne élève de l’École normale supérieure de Paris, Callysta Croizer est actuellement doctorante à l’université Paris 8, où elle prépare une thèse sur l’histoire du ballet au Brésil. Depuis 2023, elle écrit des critiques de danse et de théâtre pour Les Échos, Springback Magazine et Mouvement, et contribue régulièrement à CND Magazine, le média digital du Centre national de la danse.


Puppet Pied Piper Delivers a Sci-Fi Twist

Amanda L. Andrei (United States)

Once upon a time, there was a small German town named Hamelin. When it became plagued by rats, the mayor sought to eliminate the pests using cats, traps and poison. When these methods didn’t work, he called in the heavyweight hotshot: a skull-faced Mickey Mouse toting an empty sack and playing a mean recorder.

Pied Piper (Jiří Skovajsa) meets Mayor of Hamelin (Václav Vítek) in a highly functional and intricately designed set. Photo: Jakub Jíra

That’s The Ratcatcher, a clever and intricate adaptation of the Pied Piper fairytale for ages 12 and up, produced by Divadlo Radost in cooperation with the French puppet company Les Antliaclastes. The story expands upon the original folktale with kooky, lush detail and a modern twist.

The rats emerge from a massive dollhouse-like structure that doubles as the Hamelin neighborhood (designed by Patrick Sims, also director and puppeteer). Each compartment resembles a shadow box, and there’s even a toilet with a cross-section of piping running down the side. The set’s playfulness contrasts against the sinister nature of a huge disease-ridden flea (played by Radim Sasínek) and a crafty mayor (Václav Vítek), each donning superb masks designed by Josephine Biereye.

But their sinister nature pales in comparison to the creepy pied piper (Jiří Skovajsa), emanating cutthroat business ideals and greed. Garbed as the notorious Mouse and the spectre of Death, he wears a jingling coat of suit ties and seduces the rats (and later, the children) with his music until they plop into his cloth sack. On their way to death? As a modern fairytale crustacean would croon, ‘They’re in for a worse fate.’

Puppetry work is another highlight of The Ratcatcher. Photo: Jakub Jíra

As the friendly Rat Girl (Stanislava Havelková) cracks open the house-town with a wooden spoon, the German legend catapults into a satirical sci-fi world of Hamelin Laboratories, where the treacherous mayor—now referred to as Research Director—conducts bizarre experiments on rats and humans.

The puppets’ exaggerated nature keeps the circumstances comic. Whereas older endings of the narrative focused on disability, death or despair, this production displays anxieties about the future in a refreshingly weird style, thanks to its mashup of fairytale and mad science gone corporate.

There are a few opportunities for improvement. For instance, the scene of one rat turning rockstar is so amusing that it deserves an encore. And when the masked Rat Girl plays with unclothed baby dolls from a carriage, it’s not clear if they’re meant to represent living children or everyday toys, making it difficult to establish a sense of attachment for the figurines or their connections to the kidnapped children. These are minor details in an otherwise sensory-rich production, and one aimed at adolescents.

The concept could go in the direction of Animal Farm, if the company so desired, transforming into a sharp fable about current economic and social conditions. But with a traditional tale already so piercingly macabre, and a Hamelin house-town-lab so lavishly constructed, sharp edges aren’t necessary to enhance the show’s quaint delight. Skeleton Mickey is plenty.

Amanda L. Andrei is a Filipina Romanian American playwright, literary translator and teaching artist residing in Los Angeles by way of Virginia/Washington DC. She writes epic, irreverent plays that center on the concealed, wounded places of history and societies from the perspectives of diasporic Filipina women, and she translates from Romanian and Filipino to English. For more, visit: www.AmandaLAndrei.com


Trio (For the Beauty of It) de Monika Gintersdorfer. Photo : archiv DSB 2024
Entrer dans la danse

Marrie E. Bathory (Québec, Canada)

Voici la preuve que prendre son public par la main n’est pas forcément maladroit, bien au contraire. Dans Trio. For the beauty of it, présenté au Goose on a String Theatre, les artistes initient de bon cœur les gens à leur culture respective, espace de revendications, de résilience.

L’incipit intrigue : on prononce un mot ; on l’associe à un geste. Et ainsi de suite. Les mouvements de danse s’associant aux mots français, puis anglais, puis espagnols, puis tchèques et même allemands par moments, un langage commun s’esquisse, un dictionnaire plurilingue auquel s’intègre la musique. Bien vite, interprètes et spectateurices parlent et comprennent une même langue, ou peu s’en faut. S’ensuit un intermède d’explications sur les origines des courants respectifs des artistes : le coupé décalé d’Ordinateur, issu de la communauté ivoirienne de Paris ; la vogue états-unienne d’Alex Mugler, née dans les ballrooms des communautés homosexuelles et trans afro-américaines de New York ; le sonidero mexicain de Carlos Gabriel Martínez Velázquez, provenant des quartiers populaires et lié aux processus d’urbanisation, d’industrialisation et de migration.

Dès les premiers pas, les premières notes, les quatre membres de la troupe La Fleur cofondée par la metteuse en scène Monika Gintersdorfer et le chorégraphe Franck Edmond Yao s’adressent au public et parviennent à l’accrocher. Sans décor, sans accessoires superflus, ces styles issus de milieux populaires ou marginalisés investissent la scène du théâtre, se l’approprient, bousculent les conventions comme ils bousculent le patriarcat et le privilège blanc. Espace d’affirmation culturelle, la danse porte en elle les marques de combats identitaires successifs. Mettre ces mouvements en commun les amène à se répondre, et dresse des ponts entre les cultures, les identités. Si la chorégraphie s’entrecoupe d’interactions avec le public ou de commentaires sur l’hétérocentrisme du reggaeton ou d’autres styles musicaux populaires, si la progression entre les différents moments ne se fait pas toujours de manière fluide, c’est qu’également les cultures s’entrechoquent, que rarement les mélanges s’homogénéisent de façon parfaite. L’ensemble conserve ainsi, délibérément, certaines allures d’une improvisation. De même plusieurs éléments sont-ils présentés en toute simplicité, mais participent d’un riche vocabulaire de danse et renferment une toute aussi riche sémantique. Encore ici, il s’agit de rendre explicite l’implicite en disséquant chaque élément de sens pour les non-initiés, dans un geste de partage, d’ouverture. Au demeurant, le spectacle pousse l’inclusion jusqu’à inclure le public devenu complice, lui tendant littéralement la main pour l’inviter dans la danse.

Marrie E. Bathory : Réviseure linguistique et productrice de contenus, Marrie E. Bathory (Québec, Canada) est également autrice de nouvelles, fragments narratifs et autres fictions brèves. Comme critique de théâtre, on peut la lire sur les blogues monquartier.quebec et Le Bourdon du Faubourg.


Threatening Testosterone and Playful Solidarity

Otto Ekman (Finland)

The programme of the Theatre World Brno 2024 festival did not seem to follow any tightly defined, specific theme, rather presenting the public with a varied smorgasbord of domestic and international, classical and contemporary works by both ensembles and solo performers, aimed at both the young and the old.

Ondřej Vinklát as the sensitive Mitch is surrounded by the violence of Dekkadancers’ A Streetcar Named Desire. Photo: Jakub Joch

Sometimes this heterogeneous curation, or lack thereof, made the festival seem a little chaotic. But sometimes it also led to very serendipitous encounters, unexpected meetings between themes, works or genres creating a provocative dialogue. My favorite example of such a meeting happened on Thursday 23rd May 2024.

First, Prague-based Dekkadancers took over the stage of the Brno City Theatre with their adaptation of Tennessee Williams classic A Streetcar Named Desire. The performance is wordless, focusing on the physical sensuality, terror and tragedy of the dancers and their sweaty bodies as they torture each other and themselves across a dimly lit and smoky stage.

Klára Jelínková as protagonist Blanche DuBois is victimized by the brutish energy of Štěpán Pechars’ Stanley Kowalski. Photo: Jakub Joch

The show is stolen by the hulking, sweaty Štěpán Pechar as the antagonist Stanley Kowalski, possessed by the captivating charisma of a dangerous animal. He dominates the women in his life brutally but is no more sparing towards the men. One memorable, downright terrifying scene depicts a poker and whiskey session with his buddies, where the back slapping and boisterous camaraderie conceals a constant threat, suppressed but ready to explode in violence at any moment. The use of the playful choreography to imply the violence of men in a group reminds me of the terrifying chase scene in Mikhail Kalatozov’s film Soy Cuba featuring a gang of absurdly cheerfully singing would-be rapists dressed in the crisp white uniforms of American navy sailors.

La Fleurs comprises (from left) Carlos Martìnez, Alex Mugler and Ordinateur—respectively Mexican, American and Ivorian dancers. Photo: Ivo Dvořák

This testosterone-fueled spectacle contrasted in a thought-provoking way with the next performance in my schedule: Trio by international dance group La Fleur which took place in the smaller, cosier setting of the Goose on a String Theatre.

At the end, the audience including members of the IATC Young critics Workshop (Can you spot them?) were invited onto the stage, turning the Goose on a String Theatre into a dancefloor. Photo:Ivo Dvořák

Consisting of dancers from the US, Mexico and Cote d’Ivoire, La Fleur weaves together Harlem ballroom dance, Mexican sonidero soundsystem culture and the Parisian-Ivorian diaspora dance style known as couper décaler. The performance is underpinned by a sense of camaraderie that, unlike in the previous example, feels genuinely supportive and welcoming not only within the ensemble, but also extending towards the audience, especially illustrated by the climax where we are invited to join the dance party with them on stage. This joyful celebration of friendship and joy through rhythm and movement feels especially refreshing and effective as a digestive to the no less convincingly portrayed macho energy of Dekkadancers.

Otto Ekman (b. 1992) is a freelance journalist, theatre critic and translator based in Helsinki, Finland. He has written reviews, essays and articles about various subgenres of contemporary and classical theatre, dance and performance, as well as dabbling in literature, art, news and political journalism.

Copyright © 2024 Mathis Grosos, Andriana-Anna Tsiotsiou, Callysta Croizer, Amanda L. Andrei, Marrie E. Bathory, Otto Ekman
Critical Stages/Scènes critiques, #30, Dec. 2024
e-ISSN: 2409-7411

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