Jean-Pierre Han* et /and Matti Linnavuori**

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IX festival international du théâtre à Santa Cruz de la Sierra en Bolivie, 18-28 avril 2013.

9th international theatre festival Memoria in Santa Cruz de la Sierra, Bolivia, April 18 to 28, 2013.

Matti: I am having lunch in the courtyard of the Contemporary Art Museum of Santa Cruz de la Sierra in Bolivia. The walls of the museum allow a light breeze into the green courtyard, which makes the April sun not quite so scorching. In the mornings, the same plastic chairs serve as an auditorium for open-air children’s performances. At every table there are not only critics and administrators but also theatre makers from Bolivia and from other South American countries in lively conversation.

The sharing of a meal takes place every day of the festival Memoria, the ninth of its kind. In this atmosphere, it is only natural for critics to share pleasantries and thoughts with star performers, the like of whom I would not dare approach anywhere else. Santa Cruz establishes for its every participant a sense of belonging to a theatre community, where no one is against something, but everyone understands that theatre is vital.

Jean-Pierre : Cher Matti, pour autant que je comprenne l’anglais – ton délicieux anglais –, un peu plus quand même que l’espagnol que je ne connais pas du tout, j’ai été ravi de voir que tu commençais ton intervention en parlant des repas que nous prenions tous ensemble (nous autres critiques, avec les artistes, les amis d’artistes, etc.) dans la cour de l’École des Beaux-Arts. Cela à deux pas des bureaux du festival et d’une boutique de produits locaux (vêtements, souvenirs, livres et CD…). Cet « à-côté » qui, en réalité, est le centre vital du festival, est emblématique à mes yeux de l’esprit même de la manifestation. Il lui confère un caractère éminemment populaire (et pour une fois, je pense que ce mot n’est pas galvaudé). J’aime bien ces à-côtés qui révèlent toujours à mes yeux la véritable nature des manifestations. Et je ne connais qu’un autre festival où existe un tel lieu authentique, c’est le festival d’Almada au Portugal qui vient de perdre son créateur et animateur, Joaquim Benite. J’en profite pour saluer ici sa mémoire.

Matti: On the menu there are healthy homemade meals rather than foreign classics, and the same goes for the festival program, which is dominated by new, made-to-purpose texts. By the end of my stay, I have picked up enough Spanish to follow the plot of a comedy of manners Tu nombre en palo escrito (“To write your name on a stick”) which runs without surtitles. Otherwise, I would have to rip my pleasure from the costumes; Bolivia is a country with many different climates, and the heavy overcoats of some period pieces may be appropriate when performing in the plateaus, but in the venues of Santa Cruz with their occasionally failing air-conditioning the coats look terribly uncomfortable.

Colonialism arrives in Bolivia with grand gestures in "El naufragio de Nuflo de Chavez."
Colonialism arrives in Bolivia with grand gestures in “El naufragio de Nuflo de Chavez.”

Jean-Pierre : Il y a là l’évidence d’une authentique simplicité. Cette simplicité, je l’ai vécue tout au long de l’élaboration de notre petit colloque que nous avons organisé, Marcos Malavia et moi-même depuis Paris, Marcos se faisant bien sûr l’intermédiaire auprès de l’APAC (Asociación Pro Arte y Cultura). Jamais, pour moi, les choses n’ont été réalisées avec autant de simplicité, sans problème aucun (un miracle !), dans une sorte d’évidence. Nous nous sommes donc retrouvés, nous cinq critiques, toi venu de Finlande, Jean Couturier, un Français, Juan Antonio Hormigón, l’Espagnol qui a profité de l’occasion pour pratiquer jusqu’à plus soif sa langue maternelle, et enfin cette femme étonnante venue de la Barbade (vous connaissez ? C’est dans les Caraïbes, paraît-il…), Icil Phillips. Nous cinq, avec des confrères de Bolivie et de Cuba, sommes donc intervenus sur la question de la critique, très exactement sur « le rôle de la critique dans la transmission de la création théâtrale ». Un colloque et un sujet qui montrent la volonté d’ouverture des organisateurs du festival, une ouverture tous azimut.

Matti: First thing on my return home I intend to tackle Teatre Ando, a journal published by APAC. Teatre Ando gives detailed reportage about how and why certain of the festival performances were created, but it turns out to be impossible to read without a proper knowledge of Spanish.

Jean-Pierre : Concernant la programmation du festival, je m’aperçois que nous n’avons pratiquement pas vu les mêmes spectacles ! Ce qui prouve sa richesse. Le premier constat que je puis faire c’est l’enthousiasme du public, relativement jeune, qui remplissait toujours les salles, au point d’ailleurs que nous avons raté quelques réalisations, faute de trouver de la place ! L’autre constat c’est qu’il y avait beaucoup de productions (de théâtre et de danse) relativement brèves (quel bonheur !) avec un seul ou deux artistes, question de budget bien sûr. Mais qu’à cela ne tienne. Le paradoxe, c’est que le meilleur spectacle que j’ai pu voir est un spectacle… uruguayen ! Celui de Gabriel Calderón, auteur et metteur en scène faisant partie d’un collectif, et qui est, à très juste titre, à un peu plus de trente ans, en train d’acquérir une renommée… internationale. Avec Ex, que crèvent les protagonistes, ce fut un éblouissant feu d’artifice allumé par sept comédiens qui soulevèrent l’enthousiasme de la salle. Référence étant faite, comme pour la majorité des spectacles, à la réalité politique et sociale du pays concerné.

All the parties involved in conquering Bolivia assemble in "El naufragio de Nuflo de Chavez."
All the parties involved in conquering Bolivia assemble in “El naufragio de Nuflo de Chavez.”

Matti: I can only guess the extent of historical irony in Marcos Malavia’s production El Naufragio de Ñuflo de Chávez (“Chávez’s castaway”), but even now I am hugely entertained by the gallop of various theatrical styles that Malavia’s theatre students splash in. The Spanish conquistador Ñuflo de Chávez (1518-1568) founded the city of Santa Cruz, and the performance shows a merry parade of other activities and thoughts involved in the process of colonization. A heart-breaking melodramatic scene can be followed by the crudest kind of comedy which one normally associates with children’s theatre, etc. The text by José Sanchis Sinisterra was dramatized by Marcos Malavia. Mr. Malavia (born 1962) received his theatre educated in France. He is the artistic director of the festival and also the director of the only national theatre school (ENT, Escuela Nacional de Teatro) in Bolivia.

Jean-Pierre : Nous avons quand même vu ensemble le spectacle mis en scène par Marcos Malavia avec les étudiants de son école. Je voudrais mettre l’accent sur deux choses. D’abord la situation étonnante de Malavia. Il dirige une compagnie théâtrale en France avec laquelle il fait un excellent travail en banlieue parisienne, à Bagneux, mais en dehors des projecteurs des medias, de manière discrète si je puis dire, alors qu’à Santa Cruz, directeur de la seule École de théâtre nationale, il est une personnalité incontournable du monde artistique bolivien. Sa place au cœur du Festival est d’ailleurs primordiale. J’ajouterai un mot sur l’École qu’il dirige : relativement récente, elle tranche par sa belle architecture au milieu d’un quartier parmi les plus pauvres de la ville. C’est une oasis de calme et de travail qui fait la fierté des habitants du quartier : elle est respectée comme telle. C’est dans la magnifique salle de 500 places que nous avons donc pu voir El Naufragio de Ñuflo de Chávez…

Camila Rocha and Diego Aramburo as Juliet and Romeo perform on a table with the spectators sitting around it in three rows.
Camila Rocha and Diego Aramburo as Juliet and Romeo perform on a table with the spectators sitting around it in three rows.

Matti: All but one in the selection offered to us were Bolivian texts. Only one classic then, Romeo y Julieta de Aramburo, slightly renamed in honor of and by its director Diego Aramburo, who was the designated artist of the festival. Aramburo and his Kiknteatr from the city of Cochabamba are, of course, well-known the world over. Of his overseas productions I mention Macbett, Eugene Ionesco’s 1972 adaptation of Shakespeare, which Aramburo directed in Quebec in 2009.

Jean-Pierre : J’ai malheureusement raté le Roméo et Juliette de Aramburo dont tout le monde (toi le premier) a dit le plus grand bien. Je vais me rattraper en lisant des pièces que l’auteur-metteur en scène que j’ai rencontré dans l’avion qui me ramenait en France a bien voulu me faire parvenir !

Matti: Aramburo’s Romeo and Juliet is a thing of exquisite beauty‒and cruelty. The two most beautiful and fragile-looking human beings ever, Aramburo himself and Camila Rocha, both dressed in white, sprinkle icing sugar all over each other, eye sockets not spared. They are the only characters left of Shakespeare’s original. Both Romeo and Juliet are casual about their drug addiction. After icing sugar, they immerse themselves in various liquids and substances. In several conversations after the show I heard a complaint that drugs are treated as an ornament, and that the production fails to show the consequences to the characters of their drug use. I don’t share the complaint, because this was the one show which built castles in the air rather than solid socially-realistic arguments. The two actors performed on the table, writhing, standing, lying, taking insecure steps amidst all the dishes, and sometimes simply sitting at each end. There were three rows of spectators sitting around the table very close to the actors.

Camila Rocha as Juliet in Diego Aramburo's posh drug version of the Shakespearen classic.
Camila Rocha as Juliet in Diego Aramburo’s posh drug version of the Shakespearen classic.

I think we saw plenty of evidence that contemporary writing in Bolivia has the vitality to tackle today’s problems without needing to resort to the roundabout way of reinterpreting classics. The Bolivian society has the maturity and the courage to receive problem plays directly without the veil of a classic. This, of course, is European superiority talking, i.e. my obsession to perceive Bolivian reality as something of a problem which theatre must set out to solve, so much so that theatre will have little if any energy left for minor concerns such as aesthetics. I understood my biased position thanks to the insight of Nina Jambrina, who is a French PhD student on Latin American playwrights. She criticized the European expectation that Latin American theatre should restrict itself to serious social concerns.

Jean-Pierre : Voilà un point sur lequel je suis en parfait accord avec toi. J’ai été surpris dès les premiers spectacles auxquels j’ai pu assister (le hasard a voulu que ce soient des spectacles de danse, ce qui éliminait tout recours à des classiques) de constater que les jeunes femmes (car c’étaient l’œuvre de jeunes femmes) entendaient traiter des problèmes de la réalité sociale et politique qui les concernaient. Je pense surtout à ImPacifico de Maria Eugenia Pereyra. Passons sur les résultats obtenus, mais cette volonté d’aller y voir de plus près m’a paru tout à fait digne d’intérêt.

Pour ce qui concerne Nina Jambrina, cette jeune Française qui parle couramment l’espagnol, elle prépare une thèse sur Gabriel Calderón que, jusqu’à il y a quelques mois, personne ne connaissait en France. La trouver là, venue par ses propres moyens, m’a paru tout à fait étonnant, pour mon plus grand plaisir.

Matti: I agree, of course, about what Nina Jambrina said, but comedies such as Usted, una cama y mis intenciones (“You, a bed and my intentions”) written by Enrique Gorena and directed by Denis Arancibia, would demand a much closer knowledge of local culture and circumstances for me to understand why the laughs. On the other hand, Aramburo says that Latin American theatre is expected to produce “the naivety of magical realism”. This is from an interview in English on the site of Tallinn’s City Theatre in Estonia.

An image of suffering in "The female body as a battleground," a Bolivian adaptation of a French text about the Bosnian war.
An image of suffering in “The female body as a battleground,” a Bolivian adaptation of a French text about the Bosnian war.

In counterbalance, I will add that some productions seemed didactic in nature. This was particularly disturbing in El cuerpo de la mujer como campo de batalla (“The female body as a battleground”) by the Romanian-French playwright Matei Visniec (originally Du sexe de la femme comme champ de bataille dans la guerre en Bosnie, 1997). Directed by Oscar Leaño, it was realized by Teatro del Tulipán, whose members are graduates of 2012 from the theatre academy. The play is about violence toward women in the Bosnian war of the 1990s, but is probably relevant to gender inequalities in Bolivia also. I find it admirable that the young group embraces solidarity across geographical boundaries, even when the result looked rather schematic.

I again mention the overcoats, not to ridicule, but just to note that the actors’ task is indeed physical in so many ways. This remark leads me comfortably to the dance program of the festival. Maria Eugenia Pereyra’s solo dance imPACÍFICO was a daring juxtaposition of one body in two major events in Bolivian history. First, the Chaco war in the 1930s, when Bolivia lost territory to Paraguay. Second, the 1994 football World Cup, where Bolivia managed to qualify for the only time (so far). Pereyra sets out to explore the defeat and the victory, not from a nationalistic point of view, but actually embodying historical sensations.

David Mondacca (seated) as the lovable bum in "Aparapita" with Maria Helena Alcoreza (second from left), a memorable achievement by the actress and the make-up artist.
David Mondacca (seated) as the lovable bum in “Aparapita” with Maria Helena Alcoreza (second from left), a memorable achievement by the actress and the make-up artist.

Jean-Pierre : Tu as raison d’insister sur le côté physique du travail des acteurs (et donc des danseurs). Cela nous renvoie au problème de la formation, et bien naturellement à l’École que dirige Marcos Malavia. J’ai parlé tout à l’heure de son architecture, mais c’est surtout sur la qualité du travail qui y est effectué qu’il faudrait mettre l’accent.

Matti: There was a more national, if not nationalistic, hue in Aparapita, a dramatization of Jaime Saenz’s posthumously published novel Felipe Delgado (1989). The group Mondacca Teatro brings Bolivian prose classics onto the stage. This production also celebrates David Mondacca’s 40 year acting career, with him in the role of a lovable down-and-out.


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*Jean-Pierre Han est journaliste et critique dramatique. Directeur de la revue Frictions. Rédacteur en chef des Lettres françaises. Vice-Président de l’AICT. Directeur des stages pour jeunes critiques. Ancien président du Syndicat de la critique français.

Livanuori
**Matti Linnavuori edits the Performance Reviews section of Critical Stages. He is a regular contributor to Parnasso, a literary journal in his native Finland. He has written, translated from English and directed several radio plays for YLE, the Finnish Broadcasting Company, and co-written one stage play, In Search of the Lost Baseball (2006) for Koko Theatre (Helsinki).

Copyright © 2014 Jean-Pierre Han and Matti Linnavuori
Critical Stages/Scènes critiques e-ISSN: 2409-7411

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La Bolivie théâtrale entre table et plateau Bolivian origins on the table and on the stage