By Randy Gener*
French critic, director and playwright JEAN-PIERRE SARRAZAC received IATC’s THALIA PRIZE from Bulgaria’s Minister of Culture, Stefan Danailov, at the association’s 24th world congress in April 2008 in the Bulgarian capital city of Sofia.
IATC’s THALIA PRIZE was established to honor a personality who has made a major contribution to theatre in the world, especially someone who has changed the nature of critical thinking about the theatre.
The second recipient of this prestigious international prize, Mr. Sarrazac won for the distinction of his critical writings about the theatre and their resonance beyond his native France. As far back as 1981, his key ground-breaking work L’Avenir du Théâtre (The Future of Theatre) sought to codify and challenge what we now call postmodern or post-dramatic theater.
Sarrazac’s name was selected after consultation among IATC’s several thousand national and individual members in about 50 countries worldwide.
What is the Thalia Prize?
Presented at the biennial congresses of the association, the prize takes the form of a cane with a silver top, representing Thalia, the Greek muse of comedy. It has been specially commissioned from the distinguished Romanian stage and artist-designer Dragos Buhagiar[1].
The making of the statuette was made possible by the generous sponsorship of the Craiova William Shakespeare Foundation chaired by Mr. Emil Boroghina, and with the assistance of the office of IATC’s Romanian section.
Who is Jean-Pierre Sarrazac?

Born in 1946, Jean-Pierre Sarrazac is a playwright, director, a professor of dramaturgy at Universite Paris III Sorbonne Nouvelle and a visiting professor of Université de Louvain-la-Neuve.
Since the 1970s, Sarrazac has conducted a strongly original study of contemporary dramatic writing. He has especially underlined its hybridity and defined the interactivity of forms and themes.
A pupil and faithful disciple of Bernard Dort and a close friend of Roland Barthes, Sarrarzac has worked as a playwright, dramaturge and director, notably in the Centre Dramatique National, Caen. From 1976–1981, he taught at the National Theatre School in Strasbourg. From 1983–1991, he was coordinator of the Ateliers de Formation et de Recherche, Comédie de Caen. From 1991–1993, he was literary and artistic adviser of Comédie de Reims.
Sarrazac has been director of the Institut d’Études Théâtrales in the University of Paris III-Censier and has written numerous theoretical works. On Dort’s recommendation, he became a member of the editorial board of Travail Théâtral. He subsequently edited l’Annuel du théâtre and is presently director of a series from Circé, which has published works by Gordon Craig, Peter Szondi, Stanislavski, Denis Guenon, among others.
Sarrazac has written 20 plays, including Lazare lui aussi rêvait d’eldorado (Lazarus also dreamed of “eldorado”), directed by Thierry Bosc, The Palace, 1976; La silhouette et l’effigie (The Silhouette and the Effigy), directed by the author, Comedie de Caen, 1982; L’enfant-roi (The Infant King), staged by Jean-Louis Hourdin, Open Theater, The Conservatory, 1984; Le marriage des morts (The Marriage of the Dead), directed by Jacques Lassalle, City Theater and TNS, 1986-87; La Passion du jardinier (The Gardener’s Passion), staged by Pierre-Etienne Heymann, Maison des Arts de Créteil, 1989, many other productions of this play, the last in 2002-2003 by Olivier Perrier and Federated); Est-ce déjà le soir, esquisse pour un chœur européen (Is it already Evening, a Rough Sketch for an European Heart), directed by Christian Schiaretti, Festival d’Avignon, 1990; Harriet, directed by Claude Yersin, Nouveau Théâtre d’Angers — Théâtre Paris-Villette, 1993; Les inseparables (The Inseparable), directed by Guy Touraille, La Rose des Vents, Villeneuve d’Ascq, 1995); La fugitive (The Fugitive), directed by Jean-Yves Lazennec, Maxim-Gorki Theater in Petit-Quevilly, Theater 13, Paris, 1996; Vieillir m’amuse (Aging is fun!),directed by Fernando Mora Ramos, Cendrev Evora, 1998; Néo, trois panneaux d’apocalypse (Neo, three signs of the Apocalypse), directed by Gilles Chavassieux Theater Workshops Lyon, 1999; Mort d’un DJ (Death of a DJ), France-Culture, June 2000; Cantiga para já, Place de la Revolution (in collaboration with Christina Mirjol), Theater Gil Vicente Coimbra, Braga Theater Company, the National Dramatic Center of Galicia, in December 2003; Ajax/ retours (Ajax/return(s)2005; and La Boule d’or (The Golden Ball), 2007.
Several of these plays have been considered achievements of France-Culture, at the initiative of Lucien Attoun. They have been translated and staged in English, Italian, Galician, Spanish, Dutch, Romanian, Swedish and Portuguese.
In addition, Sarrazac has directed several plays, including L’Atelier driving Novarina Valere (Theater Amandiers Nanterre, 1974); Strindberg’s Dream (Comedy of Caen, 1988); The Plowman from Bohemia byVon Saaz (Cendrev, Evora, Oporto National Theater, 1997); and his own play Cantiga para já, Revolution Square (Coimbra, 2003-2004).
Sarrazac’s essays have regularly addressed the function of criticism, especially for La Critique du théâtre. His writings have also appeared in such French and international journals as Esprit, Europe, Art Press, Le Monde, Diplomatique, New Series, Pausa, and others. His book of essays on theater and criticism includeL’Avenir du drame (The Future of Drama), 1981; Théâtres intimes (Intimate Theatres), 1989; Théâtres du moi, théâtres du monde (Theatres Of Me, Theatres Of The World), 1995; Critique du théâtre. De l’utopie au désenchantement (Theater Criticism: From Utopia to Disenchantment),2000; and Jeux de rêves et autres detours (2004).
What is the Proust Questionnaire?
The Proust Questionnaire is a form of interview about one’s personality. Its name owes to the popularity of the the responses given by the French writer Marcel Proust, who answered the questionnaire several times in his life, always with enthusiasm.
Two sets of Proust’s answers to the questionnaire survive today: the first set (dated roughly in 1885 or 1886) consisted of Proust’s French answers to an English-language confessions album, and the second set (roughly 1891 or 1892) appears in a French album, Les confidences de salon (Drawing-room confessions).
What follows are Mr. Jean-Pierre Sarrazac’s answers to a modified version of the original Proust Questionnaire.
RANDY GENER : En tant que récipiendaire du prix Thalie de l’AICT, vous avez reçu un bâton de marche. Ce bâton de marche vous a-t-il été utile ou pratique ? Où l’exposez-vous ?
JEAN-PIERRE SARRAZAC : Je pratique en effet la marche à pied, mais cette canne, qui m’a été offerte à Sofia, est ornée, en guise de pommeau, d’une magnifique et délicate sculpture. Je ne puis songer à un usage utilitaire d’un objet si précieux. Elle est donc suspendue, dans mon bureau, au-dessus de ma tête. Et je compte bien recevoir des coups de bâton — de la part de l’AICT — si je m’endors au travail.
Si on vous demandait de nommer un critique, vivant dans n’importe quelle partie du monde, qui a eu un impact mondial, qui choisiriez-vous ? Pourquoi ?
Carlo Ginzburg, le critique et théoricien italien, parce qu’il conjugue à merveille, dans ses écrits, la micro-histoire, la question du témoignage et l’esthétique. Peut-être est-ce lui qui, s’appuyant sur des propos du metteur en scène français Antoine Vitez, a le mieux compris la fameuse « distanciation » brechtienne ?
Laquelle de vos pièces originales considérez-vous votre œuvre la plus accomplie ? Pourquoi ?
Toujours une faiblesse pour la dernière. En l’occurrence La Boule d’or, où quatre personnages, qui ont vécu intensément les événements de mai 68 et leur suite, se retrouvent, quinquagénaires, dans un café du quartier latin — « La Boule d’or » — qui n’existe plus. Remontée dans le temps, éternelle recherche du temps passé, sous le regard d’une jeune femme qui, elle, est bien de son temps. J’ai l’impression que je ne suis jamais parvenu autant que dans cette pièce-là à marier réalisme et fantastique.

Il y a aussi une pièce plus ancienne, La Passion du jardinier, ou le dialogue en quatre saisons — printemps, été, automne, hiver — d’un jeune jardinier néo-nazi et de la vieille femme juive qu’il a assassinée (il avait sympathisé avec cette femme, avant qu’il ne découvre qu’elle était juive et survivante de la Shoah). Quand la pièce commence, la Vieille Dame, bien que déjà morte assassinée, est pleine de vitalité, alors que le Jardiner, enfermé dans sa prison, est une sorte de mort-vivant sans énergie. Cette pièce est, parmi la vingtaine de pièces que j’ai écrites à ce jour, la plus jouée en France et à l’étranger. J’aime l’énergie de cette Vieille Dame qui vient demander des explications et une réparation au Jardinier égaré dans ces idées antisémites dont on lui a farci le cerveau, devant un public constitué en assemblée.
Dans votre œuvre majeure, L’Avenir du drame (The Future Of Drama), vous avez cherché à codifier le genre de théâtre que nous appelons aujourd’hui postmoderne ou postdramatique (un théâtre qui s’appuie davantage sur le langage visuel et le mouvement que sur le texte bien ordonné des pièces traditionnelles du tournant du siècle dernier). Vous avez écrit que le drame du 20e siècle s’est transformé en rhapsodie. Vous citez les pièces de Jean-Luc Lagarce et de Daniel Danis. Quel est le futur du théâtre au 21e siècle ?
En fait, je récuse l’idée de théâtre postdramatique que je trouve trop simplificatrice. Nous avons encore et toujours besoin de drames. C’est-à-dire de représentations de la rencontre catastrophique avec l’autre, ne serait-ce que l’autre en nous-mêmes. Nous en avons besoin, afin d’essayer de mesurer cette catastrophe qu’est l’existence et de faire quelques gestes qui nous donneront l’illusion de nous en sortir.
La rhapsodie, la pulsion rhapsodique, c’est tout ce qui pousse le drame moderne et postmoderne vers plus d’irrégularité, vers des hybridations — avec l’épique, le lyrique ; avec d’autres arts tels que la danse, la vidéo, le cinéma — qui vont le rendre plus riche et plus libre. La rhapsodie — même chez des musiciens comme Malher ou Charles Ives — est la forme la plus libre, mais pas l’absence de forme. Des auteurs tels que Danis, Lagarce, Jon Fosse, ou votre compatriote Kushner sont très rhapsodiques et maintiennent la forme dramatique — l’esprit du drame — tout en lui donnant le plus de souplesse, de richesse, de contemporanéité.
Vos livres ont-ils précédé l’idée de théâtre postdramatique (Hans-Thies Lehmann) ?
Mon livre L’Avenir du drame a été écrit en 1979 et publié en 1981. Le livre remarquable de Hans-Thies Lehman est de 1999. Il y a entre ces deux livres quelques convergences indiscutables et des divergences non moins évidentes.
Avez-vous une nouvelle théorie du théâtre ?
Je viens d’achever un nouveau livre, Poétique du drame moderne, qui propose en effet une théorie je crois nouvelle de la mutation de la forme dramatique qui s’est produite à partir des années 1880 et qui se poursuit aujourd’hui. Ce livre devrait. (…. Devrait quoi…. ???? Je propose d’enlever cette dernière phrase.)
Vous inquiétez-vous du fait que les lecteurs anglophones de critiques de théâtre ne vous connaissent pas ? Est-ce que vos livres seront éventuellement traduits en anglais ?
Je regrette infiniment que mon travail d’auteur et de critique ne soit pas connu dans le monde anglophone. Mais sans doute ai-je ma part de responsabilité dans cet état de fait, dans la mesure où j’ai surtout travaillé en Europe, dans le monde méditerranéen ou en Amérique latine. Je suis un Latin, incontestablement, mais très attiré par l’art et les cultures anglo-saxons et nordiques.
Que faites-vous en ce moment (Écriture ? Enseignement ? Mise en scène ? Planification ?)
En ce moment, je crois bien que je suis en train d’incuber, telle une mauvaise grippe, une nouvelle pièce de théâtre, où il sera entre autres question de l’histoire coloniale de la France. Mais le travail visible concerne un livre théorique : une Poétique du drame moderne, des années 1880 à aujourd’hui, que je suis en train d’achever, qui se présentera comme un livre d’environ 300 pages, fourmillant d’exemples. Une sorte de réponse, cinquante ans après, à la Théorie du drame moderne de Peter Szondi.

Quelles leçons avez-vous apprises en tant qu’auteur et critique que vous aimeriez transmettre aux futurs auteurs et critiques d’aujourd’hui ?
Le critique ne doit pas être celui qui amplifie les modes et l’auteur, celui qui s’accroche à une mode. Modernité doit toujours se conjuguer avec tradition. Se dire qu’on est aussi le contemporain d’auteurs du passé et que ces auteurs du passé sont nos contemporains. « Shakespeare, notre contemporain », disait déjà Jan Kott… Quand j’écris une pièce et que j’ai l’impression de me perdre, ne pas chercher à arranger les choses ; plutôt les aggraver. Préserver sa singularité comme auteur, comme dramaturge. Développer au contraire sa pluralité, sa propre polyphonie, bref son ouverture aux voix des autres, dans l’activité critique et théorique.
Avec l’apparition de l’Internet, le monde de l’édition est en danger. Pour certains esprits, publier est faire l’expérience de la plus importante révolution depuis Gutenberg. La critique est-elle morte à l’âge numérique ?
Au contraire, la critique se démultiplie par la voie de l’Internet. Mais il y a bien sûr un écueil : que la blogosphère ne se laisse pas dévorer par l’egosphère, la nombrilosphère… Pour ce qui est du livre, j’y suis très attaché, y compris aux livres de mon enfance où il fallait découper les pages. Récemment un jeune acheteur a rapporté à un bouquiniste un livre qui avait un défaut : « Regardez Monsieur, les pages ne sont même pas découpées ! ». En signe de protestation préventive contre la disparition du livre sur papier, je suis disposé à mettre le feu à mon ordinateur (ce qui lui est déjà arrivé).
Quelle pièce de théâtre ou spectacle avez-vous vu récemment dont vous aimeriez faire l’éloge ou la critique et pourquoi ?
J’ai vu à la fin de la saison dernière une magnifique Cerisaie de Tchekhov mise en scène pas Alain Françon, au Théâtre national de la Colline. Mise en scène très au présent, mais citant dans chacun de ses moments la création de la pièce par Stanislavski. Le contraire d’une attitude muséographique. Une magnifique dialectique entre le début du 20e siècle et celui du 21e. Une admirable polyphonie, où chaque personnage, chaque acteur devient, à un moment donné, le protagoniste de la pièce, la personne à la fois la plus importante et la plus dérisoire au monde. Et c’est Firs, le vieux serviteur, qui a le mot — ou, plutôt, le silence — de la fin : on l’oublie dans la Cerisaie abandonnée et il se couche dans le vestibule pour mourir… Ce soir-là, Firs était admirablement joué par Jean-Paul Roussillon, grand acteur issu de la Comédie-Française, mort cet été.

La qualité que vous appréciez le plus chez l’homme ?
Sa capacité à céder, voire à capituler devant une femme.
La qualité que vous appréciez le plus chez la femme ?
Qu’elle se sente libre face à un homme.
Qu’appréciez-vous le plus chez vos amis ?
Fidélité, disponibilité et franc-parler.
Quel trait déplorez-vous le plus en vous ?
Ma susceptibilité (en voie d’amélioration, disent-ils, avec l’âge).
Quel trait déplorez-vous le plus chez les autres ?
Leur esprit vexatoire (mais j’y suis de moins en moins sensible…)
Vous avez été critique, dramaturge, directeur de recherche et professeur. Quelle profession préférez-vous ?
Je n’ai pas à ce sujet de réponse définitive : tantôt, dramaturge ; tantôt pédagogue et chercheur. J’ai des phases alternées. Mais Bernard Dort, qui fut, avec Roland Barthes, un des mes deux maîtres, disait que j’étais surtout un essayiste. Essayiste en écrivant un ouvrage critique, mais aussi en écrivant mes pièces.
Estimez-vous que l’écriture critique devrait être constructive ou destructive ?
Constructive, évidemment. Mais chacun sait que dans notre univers saturé de vestiges inutiles et de ruines, il faut parfois détruire pour pouvoir mieux construire. Et il devient parfois nécessaire de faire tomber un prétendu mur porteur.
Si vous aviez à critiquer la critique de théâtre d’aujourd’hui (soit aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en France ou au niveau international), que reprocheriez-vous à la façon dont la critique se pratique ?
La critique dramatique n’est plus assez descriptive. Elle passe trop vite au jugement (souvent non argumenté), à l’évaluation, voire (Cf question précédente) à la démolition. Relire les feuilletons théâtraux du 19e siècle, si riches, si circonstanciés. Mais il faut bien reconnaître que c’est aussi une question de place : en France et dans quelques autres pays de ma connaissance, les critiques ne disposent plus de la place nécessaire pour développer suffisamment leur point de vue.
Qu’est-ce qui est bien dans la façon dont la critique se pratique ?
Je dirais que la critique est aussi un métier qui s’apprend. À l’exception d’une chose, qui ne s’apprend pas vraiment : l’amour du théâtre. La critique, ou l’art d’aimer… À l’Institut d’Études théâtrales de la Sorbonne, où je suis professeur, nous pouvons former, parmi bien d’autres professions du théâtre, des critiques. Mais tout semble se passer comme si la plupart des critiques en exercice avaient oublié ce qu’ils ont appris chez nous. Ou, tout simplement, oublié de venir chez nous !
La théorie critique est-elle morte ? Si elle ne l’est pas, devrait-elle mourir ?
Non, la théorie critique est nécessaire, mais elle ne doit pas chercher à intimider l’art. Je n’aime pas trop la théorie critique donneuse de leçons, comme chez Lukacs et, quelquefois, chez Adorno. La théorie critique a intérêt à se souvenir qu’elle est seconde par rapport à la création artistique. Elle peut même quelquefois — comme dans le cas de Walter Benjamin, de Roland Barthes — devenir art elle-même. Ou, en tout cas, pour reprendre une parole de Maurice Blanchot, être « en souci de l’art ».
Quel est votre meilleur souvenir du moment où vous avez gagné le prix
deThalie de l’AICT?
Le moment où j’ai remercié. Je savais que certains critiques, notamment américains, n’étaient pas absolument ravis de m’avoir comme lauréat. Or, je les ai remerciés avec autant de chaleur que ceux dont j’étais certain qu’ils avaient voté pour moi. Un moment d’unanimité, en quelque sorte.
À votre esprit, quel serait le plus grand des malheurs ?
De n’avoir pas d’esprit.
Dans quel pays aimeriez-vous vivre ?
Un pays en paix, mais pas pour autant aveugle à ces guerres qui s’étendent partout.
Quelle est votre couleur préférée ?
Le Rouge. Sans connotation ni politique ni tauromachique.
Quelle est votre fleur préférée ?
Le coquelicot. Parce qu’il est rouge. Et parce qu’il y a une chanson de Mouloudji, chère à mon cœur, qui parle de « petit coquelicot ».
Quel est votre animal préféré ?
La chèvre. Ma grand-mère lotoise en avait six, qui lui donnaient un excellent fromage de chèvre, le « cabécou », aujourd’hui renommé « Rocamadour » par l’esprit mercantile.
Quels sont vos auteurs préférés ?
Kafka, Hermann Melville, Thomas Hardy, Strindberg, Valle-Inclan, Simenon, Beckett, Russel Banks, Philip Roth, Jon Fosse.

Quels sont vos metteurs en scène préférés ?
Antoine Vitez, Otomar Krejca, Gruber, Jacques Lassalle, Mathias Langhoff, Ostermeier.
Quels sont vos poètes préférés ?
Jules Laforgue, Thomas Hardy, Paul Celan, Claude Bonnefoy.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Les Pieds nickelés, les trois à la fois.
Quelles sont vos héroïnes de fiction préférées ?
Tess d’Uberville.
Quels sont vos compositeurs préférés ?
Beethoven, Brahms, Malher, Ives, Bartok, Coltrane, Albert Ayler…
Quels sont vos peintres préférés ?
Goya, Fernand Léger, Fautrier, Hamershoi, Gauvin.
Qui sont vos héros dans la vie réelle ?
Mes parents, mais ils n’auraient pas aimé que je les traite de « héros ». Cela m’aurait trop éloigné d’eux.
Quelles sont vos héroïnes de l’histoire préférées ?
Rosa Luxemburg. La sœur de Shakespeare.
Quelle personne vivante admirez-vous le plus ?
Tout un peuple américain — ou du moins une bonne partie — qui vient de voter pour Obama.
Quelle personne vivante dédaignez-vous le plus ?
Le dédain n’est pas un sentiment que je cultive. Mais, quelquefois, la nuit, dans mes rêves, Obama est élu à l’unanimité président de la République Française. Quelle confusion !
Quel critique de théâtre dédaignez-vous le plus ?
Il y a en a un. Lui le sait. C’est bien suffisant. Et, puis je réitère : je ne pratique pas le dédain. Je le remercie donc comme les autres (voir question « Quel est votre meilleur souvenir du moment où vous avez gagné le prix de Thalie de l’AICT »)
Quel critique de théâtre admirez-vous le plus ?
Celui qui m’a formé : Bernard Dort. Jean-Pierre Léonardini est un critique de théâtre français dont j’apprécie le talent et l’honnêteté.
Quel événement dans l’histoire du théâtre admirez-vous le plus ?
L’entrée en scène, chaque soir. Voilà l’événement dont on ne se lasse pas, où qu’on soit, où qu’on joue.
Quelle réforme admirez-vous le plus ?
La suppression du Souffleur, qui était vraiment logé trop à l’étroit !
Quel don naturel aimeriez-vous le plus posséder ?
Le don des langues étrangères.
Comment aimeriez-vous mourir ?
Provisoirement.
Quel est votre état d’esprit actuel ?
Serein. Je suis en congé pour recherche de l’Université, c’est-à-dire que j’écris, ici, dans ma maison près de Rocamadour, pays du cabécou (voir question « Quel est votre animal préféré ? »).
Pour quels défauts avez-vous le plus d’indulgence ?
Comme tout le monde : les miens et ceux des gens que j’aime (je ne suis pas spécialement fier de cette réponse).
Quelle est votre plus grande crainte ?
Ne pas en venir à bout.
Quelle est votre plus grande extravagance ?
Remercier mes ennemis sans arrière-pensée (voir réponse aux questions « Quel est votre meilleur souvenir du moment où vous avez gagné le prix Thalie de l’AICT » et « Quel critique de théâtre dédaignez-vous le plus ? »)
Quelle est votre position sexuelle préférée ?
Comme dans l’écriture, rien d’acrobatique.
Quelle vertu croyez-vous être la plus surestimée ?
La vertu.
Quel talent aimeriez-vous le plus posséder ?
Danser. Chanter. Bref, être une sorte de Fred Astaire.
Quel est votre plus grand regret ?
Un petit être trop tôt disparu.
Si vous pourriez rappeler quelque chose que vous auriez dit ou écrit, qu’est-ce que ce serait ?)
Hier soir, j’ai dit à un de mes amis metteurs en scène, Jacques Lassalle, que j’aimais son travail. Hier, dans la nuit, alors que nous roulions entre la maison du Tarn des Lassalle et notre maison du Lot, j’ai dit à mon épouse, Christina Mirjol, que j’aimais tous ses livres. Hier, j’ai entendu mon ami Jean-Noël me dire sur mon répondeur qu’ils aimeraient, lui et sa famille, rentrés à Paris, être encore ici avec nous dans le Lot (je lui ai répondu silencieusement qu’ils étaient toujours les bienvenus). Hier j’ai eu mon fils Martin au téléphone, qui m’a parlé du dernier concert d’Ornette Coleman à la Villette à Paris et du prochain d’Archie Shepp. Je lui ai dit qu’il avait bien de la chance. Que j’aurais aimé que nous partagions ce bonheur avec lui.
Quel est le plus grand amour de votre vie ?
À votre avis ?
Que considérez-vous votre plus grand accomplissement ?
Poursuivre.
Quel est votre rêve de bonheur ?
Continuer.
Quelle est votre devise ?
« La (fin de) partie reprend » (merci Beckett).
Si vous ne pourriez voir qu’un seul spectacle, lequel choisiriez vous ?
Le Songe de Strindberg.
Quel est l’un des attributs les plus importants qu’il faut pour être un bon critique ?
Aimer… La critique, c’est l’art d’aimer. Quelquefois, hélas, le critique de théâtre aime mieux la critique que le théâtre. Un certain narcissisme du critique peut constituer un obstacle à un bon exercice de la critique.
Note de fin
[1] See the interview this important set-designer gave to Critical Stages in the section “Theatre Views” of this issue.
*RANDY GENER is a writer, editor, critic, playwright and visual artist in New York City. He recently debuted a photographic installation-art exhibition, In the Garden of One World, at New York’s La MaMa La Galleria and is the author of Love Seats for Virginia Woolf and other Off-Broadway plays. He appears in numerous scholarly books, including the encyclopedia Cambridge Guide to the American Theater (Cambridge University Press); andThe American Theatre Reader (Theatre Communications Group), edited by the staff of American Theatre magazine, for which he serves as the senior editor. He is the 2009 winner of the George Jean Nathan Award, the highest accolade for dramatic criticism in the United States.
Randy wishes to thank the playwright Chantal Bilodeau for her help with this interview.
Copyright © 2009 Randy Gener
Critical Stages/Scènes critiques e-ISSN: 2409-7411
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