Ivan Medenica[1]
Lorsqu’on réfléchit à la théorie postcoloniale et à ses conséquences sur le théâtre, on est généralement poussé à se référer au monde anglophone. C’est une des raisons pour lesquelles – outre certaines recherches concrètes qui se déroulent actuellement – nous avons décidé de consacrer la section des Essais de ce numéro deScènes critiques au théâtre dans un autre très important contexte culturel fortement lié à la notion de « postcolonialisme » : celui du monde parlant français, soit de la francophonie. Puisque, à titre de critiques de théâtre, nous venons d’horizons différents, plus ou moins liés à la recherche théorique, nous traiterons ce sujet du « théâtre francophone postcolonial » de points de vue variés, à la fois comme recherche académique et en tant qu’essais. Nos collaborateurs couvrent donc un large panorama de ce théâtre, en se référant aux contextes généraux autant qu’à des tendances particulières, à des productions concrètes ou à leurs auteurs, au Congo, à Madagascar, en Côte d’Ivoire, dans les Caraïbes, au Québec, etc. En exposant une aussi vaste étendue de sujets, de questions et de problèmes, nous ne prétendons pas pour autant épuiser le sujet. Nous considérons plutôt ce dossier comme un solide point de départ pour d’autres recherches sur le théâtre postcolonial dans le monde francophone.
« Ne se régénère-t-il pas [le colonialisme], aujourd’hui dans des formes plus soft, “culturelles”, notamment celle de la communauté linguistique et, pour ce qui concerne la France, dans ce qu’on appelle la francophonie ? » (Sadowska-Guillon). « Le moins que l’on puisse dire – tout le monde s’accorde sur ce point – est que la France entretient vis-à-vis de son passé colonial, en Afrique, en Indochine et plus encore au Maghreb, un véritable complexe. […] La relation de certains événements en contradiction avec l’histoire officielle surgit régulièrement grâce au travail de quelques historiens sérieux et aussi grâce à certains artistes et autres écrivains. » (Han). « […] Les rapports entre toutes ces aires linguistiques ne se sont jamais développés comme ils auraient pu l’être, compte tenu de leur proximité géographique, et les artistes ont bien compris que le théâtre offre l’opportunité de devenir le catalyseur de nouvelles relations, de formes nouvelles pour une étroite collaboration entre l’ensemble des créateurs de la scène caribéenne. » (Ruprecht). « La question de l’application des théories postcoloniales à la littérature québécoise repose sur un malaise, sinon un malentendu, sur l’histoire coloniale du Québec. […] Je propose plutôt d’explorer les tensions en jeu lorsqu’il s’agit de réfléchir au théâtre québécois à travers l’analyse postcoloniale et certaines des sources du malaise à la source du quasi silence qui entoure l’idée d’un théâtre québécois postcolonial ». (Déry-Obin).
Nous terminons ce dossier par un article de notre distingué collègue et président d’honneur, Georges Banu, bien que son texte ne traite pas du postcolonialisme. Il s’agit plutôt d’une analyse profonde et nuancée d’un autre aspect du travail d’un des auteurs les plus importants du Québec, qui peut être considéré – et il l’est ici même, dans l’essai de Déry-Obin – du point de vue du théâtre postcolonial : Wajdi Mouawad.
[1] Ivan Medenica, PhD, was born in Belgrade, Serbia. He simultaneously studied Philosophy and Dramaturgy. Medenica holds the title of associated professor teaching The History of World Drama and Theatre at the Faculty of Dramatic Arts and he is, at the same time, the Chief of the Department of Theory and History at FDA. He regularly publishes articles in the national and foreign theatre periodicals; his articles have been published in French, English, German, Czech, Hungarian, Spanish, Polish, Slovakian, and Romanian… He was the Chairman or co-Chairman of four International Symposiums of Theatre Critics and Experts (2003, 2006, 2009, 2012) organized by Sterijino Pozorje festival in Novi Sad in cooperation with IATC. He has participated in a number of conferences abroad: Prague, St Etienne, Moscow, Vienna, Budapest, Bratislava, Avignon, Sofia, Almada, Maribor, Jonkoping, etc. He is actively engaged in theatre criticism. He has received the annual National Award for the Best Theatre Criticism five times. From 2003 till 2007 Medenica was the Artistic Director of the Sterijino pozorje theater festival in Novi Sad. From 2002 till 2012 he was an editor in the main Serbian theater journal Teatron. In the period 2011-2013, Medenica was a fellow in the International Research Center The Interweaving performance cultures (FU, Berlin). From 2007, he is The Adjunct Secretary General of the IATC.