« Dieu le veut, l’Homme le rêve, le travail naît »
(Deus quer, o homem sonha, a obra nasce)

Maria Helena Serôdio

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En citant le poète moderniste Fernando Pessoa (de son volume de poésie Mensagem – Message, 1930), je veux simplement tracer un lien portugais avec l’idée précieuse qui a réuni un groupe de critiques – dans le cadre de l’Association internationale des critiques de théâtre – autour du projet d’une revue à paraître en 2009. Scènes critiques, nous l’espérons, offrira deux fois par an des articles stimulants, une information actuelle et une critique compétente sur le théâtre et les arts du spectacle vivant en général.

C’est peu après avoir endossé ses fonctions de président de l’AICT que Yun-Cheol Kim a présenté son projet de lancer une revue Web dont l’objectif premier serait de fournir un lieu d’expression pour une critique offrant des réflexions pratiques et théoriques provenant de divers points de vue géographiques, culturels et esthétiques. Dans le même esprit œcuménique, et dans le droit fil des objectifs de l’AICT et de cette revue, Yun-Cheol Kim a proposé des noms pour former le comité éditorial : ceux de gens de diverses nationalités, d’âges, de parcours et d’expertise variés.

J’ai eu le grand plaisir, à titre de rédactrice en chef, de diriger ce numéro en réunissant les généreuses contributions de critiques du monde entier. Certains articles proviennent directement d’activités importantes organisées par l’AICT, comme ce fut le cas du colloque de Toronto, au Canada, proposé et présidé par Don Rubin, sur le Commentaire théâtral. Ainsi, la première section réunit des articles pénétrants de Ravi Chaturvedi, Peter Szaffko et Michael Handelzalts, qui suivent les réflexions personnelles sur leur profession par Don Rubin et Ian Herbert.

Le Prix Thalie – décerné à Eric Bentley au congrès de l’AICT à Séoul, en Corée – constituait l’étincelle qui a poussé Randy Gener à obtenir de Bentley une confession à saveur proustienne. Le célèbre théoricien a indéniablement marqué plusieurs générations de critiques de théâtre et de chercheurs dans le monde.
À nouveau dans le cadre de l’AICT, mais cette fois à Wroclaw, en Pologne, un colloque sur l’héritage de Grotowski, coordonné par Tomasz Milkowski, nous permet de publier ici une entrevue avec la grande actrice Maja Komorowska, ainsi qu’une présentation passionnante de la compagnie théâtrale polonaise Teatr Pieśń Kozla, par Mark Brown.

Au moment de célébrer le centenaire d’Ionesco, nous avons reçu des comptes rendus des premières mises en scène de ses pièces au Mexique (par Rodolfo Obregón) et au Portugal (par Sebastiana Fadda). D’Afrique du Sud, Veronika Baxter explique ce que c’est que de jouer sérieusement avec Augusto Boal, le grand metteur en scène brésilien récemment disparu.

Nous avons prévu de courtes entrevues pour présenter des auteurs et des scénographes venant de pays et de parcours divers, mais seulement trois étaient prêtes pour ce numéro : une entrevue de José Maria Vieira Mendes (auteur) et une de Marta Carreiras (scénographe) par Rita Martins, ainsi qu’une autre de Yun-Taek Lee par Bangock Kim.

Faisant le compte rendu du Journal de Lars Noren, qui vient de paraître, Matti Linnavuori y a trouvé les réflexions captivantes d’un auteur sur la critique et, associant théâtre et philosophie, Patrice Pavis, habile à rassembler des perspectives différentes, tisse l’idée d’un point de rencontre irrésistible entre les deux disciplines avec une argumentation logique et un itinéraire de paysages qu’il a lui-même photographiés.

Comme le soutenait Yun-Cheol Kim, la critique de théâtre est indispensable dans une revue comme celle-ci, aussi ai-je le plaisir, en tant que responsable de ce numéro, de constater le nombre impressionnant et la qualité des critiques que nous publions ici. Des analyses aussi évocatrices que stimulantes nous sont parvenues de divers pays, démontrant l’habileté remarquable des critiques à rendre compte et évaluer les spectacles : Robert Creig (d’Afrique du Sud) Alvina Ruprecht (du Québec), Irène Sadowska-Guillon (de France), Savas Patsalidis (de Grèce), Kwon Kyoung-Hee (de Corée du Sud) Tomasz Milkowski (de Pologne), Vivian Martinez (de Cuba) et Patrice Pavis (ici, d’Allemagne) offrent d’excellents exemples de comptes rendus de spectacles.

Quant à la dernière section de ce numéro, nous voulons garder à l’esprit le fait que Scènes critiques est – selon le vœu unanime du Comité de rédaction – un périodique conçu par des critiques de théâtre, surtout à l’intention des critiques, réceptif et redevable à ceux-ci. À cette fin, j’ai pensé recourir à trois autres communications sur la critique présentées à Toronto, ajoutant ainsi de nouvelles voix au débat sur l’histoire de la critique de théâtre dans d’autres pays : le Royaume Uni (par l’ancien président de l’AICT John Elsom), le Japon (par Manabu Noda) et la Corée du Sud (par le président de l’AICT Yun-Cheol Kim).
À l’évidence, ce numéro est une première expérience, mais, malgré les difficultés inhérentes à sa réalisation, je suis persuadée que les prochains numéros contiendront de grandes améliorations grâce aux commentaires que nous espérons recevoir partout, et surtout grâce à la collaboration de nouveaux critiques et chercheurs – jeunes et moins jeunes – qui voudront se joindre à nous.

À Yun-Cheol Kim, je dois le privilège d’avoir été responsable de ce numéro et j’espère avoir au moins répondu à certaines de ses attentes. Aux membres du Comité éditorial, à Lissa Renaud et à tous les auteurs et réviseurs, je suis redevable de m’avoir avertie des problèmes à venir : leurs conseils prudents quant à des erreurs possibles, leur généreux soutien bénévole pour établir des contacts et réviser les textes et, sur un plan global, toutes ces voix rassemblées ont fait de ce premier numéro une aventure collective audacieuse réunissant des réflexions et des images venant de seize pays répartis sur quatre continents. Mes plus chaleureux remerciements à ceux qui m’ont le mieux soutenue dans mon travail éditorial : Michel Vaïs, Hervé Guay, Manabu Noda, Maria Shevtsova, Mark Brown et Temple Hauptfleisch. Je ne les remercierai jamais assez !

Malgré tous les efforts qu’il a fallu consentir pour ce processus éditorial, il est vrai qu’en constater le résultat constitue pour moi une expérience magnifique et enrichissante.